C’est la première question que l’on se pose en préparant un tour du monde : quelle instruction en voyage pour les enfants ?
Pour le côté légal, je vous laisse lire cet article. Pour le côté préjugé, découvrez celui-ci. Aujourd’hui je vais vous parler pédagogies, supports, ressources et même tests (ou pas, je n’aime pas les tests).
L’information que l’on trouve le plus concerne les cours par correspondance. On s’inscrit pour un an, on reçoit des cours, des tests à faire à des dates précises. On rassure les grands-parents et l’école qu’il faudra réintégrer au retour. Il peut s’agir du CNED, de Ker Lann, des cours PI, il y a du choix.
Il est aussi possible de faire à sa sauce. Acheter un manuel de français et de faire le reste en fonction des opportunités ou des objectifs que l’on a. J’ai une amie pour qui il était important que ses enfants fassent du latin, d’autres sont à fond sur les musées des Beaux-Arts. De toute façon je trouve difficile d’entrer dans une seule case.
Voici par ailleurs, trois autres courants, particulièrement propices à une vie de voyage mais pas seulement : le unschooling, le worldschooling et le roadschooling. Et en conclusion, découvrirez une liste de ressources.
Le Unschooling ou les apprentissages autonomes.
Le unschooling repose sur l’idée qu’il faut que l’apprenant ait envie/besoin d’apprendre pour que ça marche. Le moteur est donc l’enfant et sa propre curiosité.
Concrètement cela veut dire quoi ?
Il y a beaucoup de façon de faire du unschooling et je pense qu’il n’y a pas une bonne façon de faire. Je n’aime pas ceux qui se revendiquent comme des puristes. Pour moi, vous faites du unschooling si l’enfant est au coeur de l’apprentissage, s’il a le droit de demander et de refuser et de voir sa décision respecter.
Si l’enfant s’intéresse à la musique, mais qu’il est trop jeune pour exprimer précisément son envie, c’est à ses parents de proposer des activités sur ce thème : aller à des concerts, découvrir le solfège, entrer dans un magasin d’instrument, etc. Certaines activités seront grandement appréciées et il faudra pousser dans cette direction. D’autres seront abandonnées malgré les heures de préparation effectuer par l’adulte, tant pis. Cela peut donc passer par des cours très formels de solfège ou par des heures à regarder des opéras sur youtube. La curiosité peut être boulimique et s’éteindre brusquement. Elle peut aussi être là quotidiennement à petite dose. Il n’y a pas de règle.
Pourquoi cela s’accorde bien avec le voyage ?
Avant tout pour une raison pratique : à moins que votre enfant ne se passionne pour le violoncelle, le unschooling est peu gourmand en matériel obligatoire. L’idée est de faire avec ce que l’on a, en fonction de la vie de chacun. Il vous faut tout de même un support électronique (ordinateur ou tablette) et un accès ponctuel à internet.
Par ailleurs le voyage est source de stimulation. L’horizon de votre enfant s’agrandit de même que ses connaissances pouvant conduire à une curiosité plus précise. Il est plus facile de vouloir en savoir plus sur les volcans quand on fait du camping avec vue sur l’Etna qu’en Normandie.
Le Worldschooling ou l’apprentissage du monde
Voici un courant qui m’a beaucoup plu. C’est aussi le seul qui peut se faire sans voyager. Il s’agit de mettre au coeur de l’apprentissage la découverte du monde et le respect de l’autre. En général le worldschooling est associé à un autre courant ou une autre pédagogie.
Concrètement cela veut dire quoi ?
Je prends un exemple déjà évoqué sur le blog : la curiosité de Nine pour la Laponie. Elle veut en savoir plus, ok, allons-y. Comme nous sommes plutôt tendance unschooler, je lui prépare des activités et les mets à sa disposition. On décide de se faire un goûter-documentaire en regardant une émission ensemble (que j’avais pré-sélectionné quelques temps avant). Elle adore cuisiner, nous faisons des gâteaux.
Par contre Karine, qui s’est aussi lancée sur la Laponie à la même période, l’a fait de son propre chef. Elle, et non sa fille, est à l’origine de ce projet pédagogique. Et puisqu’elle travaille selon la pédagogie Montessori, elle a créé des cartes de nomenclatures.
Nous pourrions toutes les deux nous revendiquer comme worldschoolers.
Pourquoi cela s’accorde bien avec le voyage ?
Il est plus facile de découvrir la Laponie en y passant quelques semaines. Il est plus facile de prendre conscience de la variété des langues étrangères, des coutumes, des mets, en se promenant à travers le monde.
Mais cela peut très bien se faire sans bouger de chez soi. Actuellement quand je découvre la Laponie ou la Chine avec Nine, nous le faisons depuis notre appartement en Alsace.
Le Roadschooling ou apprendre au fil de la route
Le roadschooler profite des opportunités du voyage pour construire les apprentissages. Pas de programme préconçu et une grande flexibilité au quotidien. Certaines personnes considèrent que worldschooling et roadschooling sont synonymes.
Concrètement cela veut dire quoi ?
Si vous êtes en Sicile au bord de la mer, vous allez étudier le rythme des marées, la pêche, les animaux marins, jouer dans le sable, parler italien et cuisiner des pâtes.
Si vous êtes à Besançon, vous parlerez d’architecture militaire, lirez Victor Hugo et apprendrez comment mesurer le temps qui passe.
Le roadschooling est souvent associé à la tenue d’un journal par les enfants (journal papier ou numérique) pour la pratique de l’écrit. Certains racontent ce qu’ils font au jour le jour, d’autres font le point sur leur dernière découverte (Victor Hugo est né à Besançon…).
Pourquoi cela s’accorde bien avec le voyage ?
Le roadschooling repose sur le mouvement. Sans mouvement, la source d’apprentissage se tarit et enfants comme parents n’ont plus rien à faire. Cela demande par contre de ne pas voyager trop vite pour avoir le temps de découvrir, chercher, comprendre, rédiger, approfondir.
Des courants antinomiques ou complémentaires ?
Au premier abord, j’avais l’idée que les trois courants étaient très liés et se recoupaient. Mais en réalité, il est possible de faire du roadschooling sans quitter son pays et donc sans aucun lien avec le worldschooling. De même il est possible de faire participer les enfants, sans pour autant les laisser libre de la direction de leur apprentissage.
On peut soi-même avoir envie de commencer en faisant du worldschooling-Montessori depuis chez soi, puis de prendre la route et de faire du roadschooling-Charlotte Mason, avant de finir en unschooling. Ou de finir en rentrant pour mettre les enfants au collège. Ou de se poser un an au Mexique pour les laisser aller au lycée.
Il n’y a pas une solution unique, il n’y a pas de règles officielles. On m’a déjà dit que je n’étais pas une vraie unschooler. On m’a aussi dit que j’étais dans le unschooling radical… Ici, ce ne sont que des pistes de réflexions, sur ce qui existe, sur des mots-clés pour en savoir plus et prendre une direction plutôt qu’une autre. À vous de faire vos choix, sans chercher à coller à une étiquette.
Quelques ressources
Pour finir, je vous propose des liens pour en savoir plus sur chaque courant, mais aussi pour avoir des supports pour se lancer. J’ai ajouté pas mal de liens vers des témoignages pour vous montrer la grande variété des possibilités.
Des définitions, des témoignages (tous en anglais, je n’ai rien trouvé de pertinent en français)
Article « Unschooling is not « Child-led learning » »
Article « What is Worldschooling »
Série de vidéos World Schooling Talk par Lainie Liberti, l’introduction est un peu longue mais les autres vidéos sont des interviews et valent vraiment le coup
What is worldschooling et liens vers d’autres blogs
Témoignage d’une ado qui a voyagé toute sa vie ou presque et qui est à l’université à présent (en anglais)
Un livre en deux parties, présentation du roadschooling puis nombreuses interviews : Roadschooling : The Ultimate guide to Education through travel, Nancy Sarthre-Vogel
Comment en un an de voyage, la famille Wagoner est passé d’une instruction en famille avec emploi du temps strict à un libre apprentissage au fil de la route
Témoignage d’un papa qui voyage seul avec son fils (maintenant ado)
Du matériel pédagogique, des idées d’activités
Comment organiser un voyage virtuel pour ses enfants
Des activités pour aimer les visites de musée en famille
Groupe facebook de parents worldschoolers (en anglais)
Livres audio (avec une catégorie jeunesse et beaucoup de contes)
Livres audio école des loisirs
Livres audio (en anglais)
Fichiers niveau maternelle et CP sur l’Alsace, la Chine, la Laponie, le Japon, etc
Support pour découvrir le monde avec des fichiers sur des pays, des jeux sur les instruments de musique, les langues étrangères, etc
Dessins animés Mouk, qui fait le tour du monde à vélo
Vidéos sur plusieurs pays du monde (Asie Centrale, Groenland, Thaïlande, Iran, Australie, etc) par Clo&Clem (ma fille est une grande fan de leurs vidéos)
Langues étrangères (anglais, espagnol,italien, allemand, gratuit) : duolingo
Article « Worldschooling at home, 14 ways your family can benefit today »
Et pour en savoir plus sur notre façon de faire, je vous invite à regarder mes articles mensuels qui ont une rubrique « instruction en famille » comme celui sur le mois de mai à Mulhouse.
J’ai essayé d’être assez complète mais si vous avez des questions, n’hésitez pas, je ferai de mon mieux pour y répondre.
Sujet très intéressant et qui m’interpelle! Mes enfants vont à l’école, une école que j’apprécie et où je m’implique pour mieux comprendre les enseignants et l’apprentissage. Je sais que mes enfants apprennent énormément en dehors de l’école, au cours de nos voyage notamment mais… je ne passerai probablement jamais le cap de l’école à la maison car je n’aurais pas le temps de gérer cela toute seule, mais nous faisons notre possible pour être dans l’apprentissage par plaisir chez nous! Cependant
L’école en voyage est pour moi un véritable problème dont j’ai parlé avec Maman Voyage, qui le prend cool! Peut-être car ma fille a déjà 10 ans et que quand il faut lui faire comprendre une division ou des formules de géométrie, c’est plus compliqué… Je m’explique , la compréhension de la division elle l’a depuis ses 6 ans, quand on coupe des gâteaux etc… mais arrivé à comprendre comment poser une division complexe là ça se corse… donc oui tout les moyens d’apprentissage sont bons et je crois que l’enfant peut apprendre mais certains sujets deviendront si complexes au fur et à mesure des connaissances des enfants qu’il vaut mieux avoir des supports pour les aider de peur de passer son temps en voyage à faire des recherches sur comment apprendre et comment être pédagogue… En tout cas merci pour cet article! Et bravo d’avoir franchi le cap!
C’est drôle que tu choisisses la division en exemple. Quand j’étais en Australie, j’ai été un tout petit peu au lycée et j’ai eu un cours de maths. J’ai compris le problème, j’ai trouvé la solution. Par contre lorsque la prof a détaillé le raisonnement, j’étais complètement perdue. là-bas les divisions ne sont pas poséses de la même façon ! Le résultat était le même cependant.
Le truc est qu’il ne faut pas perdre de vue qu’il n’y a pas qu’une façon de faire et pas qu’un seul objectif (envoyer ses enfants à l’université en est un, une culture générale étendue en est un autre).
Et je connais des familles qui sont en worldschooling et ont des livres de maths avec eux. L’un n’empêche pas l’autre.
Je ne cherche pas à te convaincre, juste à montrer d’autres facettes possibles.
Bonne journée
le unschooling ne me convient pas des masses comme tu le sais car pour moi il ne recouvre qu’une partie des apprentissages. Les deux autres courants sont plus intéressants et permettent de bien mettre à profit le voyage ou l’envie de voyager. Pour moi il y a un temps ou tu proposes des supports auxquels l’enfant n’aurait pas pensé au départ et un temps où il va vers ce qu’il intéresse. Au bout d’un moment les deux se recoupent.
Tu sais, pas mal de parents d’enfants scolarisés se revendiquent du worldschooling dans leur choix de vie. Donc toi et ta classe qui voyagent progressivement, vous êtes des worldschooler 😉
Je ne connaissais pas tous ces termes, assez nouveaux me semble-t-il, de worldschooling et roadschooling. C’est très intéressant mais l’essentiel n’est-il pas tout simplement d’apporter des savoirs et des connaissances à nos enfants, qu’elle qu’en soit la méthode et en fonction de nos propres ressources, envies et possibilités? C’est fou, cette volonté (pas la tienne, je veux dire en général) de vouloir tout mettre dans des cases bien définies. En tout cas, merci pour cette article, je vais potasser sur le sujet dans les prochains jours… Bonne journée!
Je dois dire qu’au départ (quand ma fille avait moins de 3 ans) tous ces classements me laissaient indifférentes. Mais au final quand tu commences à chercher des ressources, tu te rends compte que face à une question il y a des dizaines de réponses possible allant de « le big bang n’existe pas » à « acheter un manuel / payer un prof particulier ». Du coup, ces termes me permettent d’être plus efficace dans mes recherches, de discuter avec des parents qui partagent au moins en partie, mes idées.
Conernant les termes, je sais que worldschooling a été utilisé pour la première fois au début des années 90 (je n’arrive plus à retrouver l’article qui citait la personne et l’année exacte désolé).
Super intéressant tout ça, merci 🙂
(et sinon, oui les labels aident pour s’y retrouver mais heureusement qu’on n’est pas enfermé dedans !)