L’esprit invite à la tricherie, au détournement et à la transformation de nos souvenirs. Lorsque je pense « premier voyage », c’est l’Allemagne, Leipzig, Weimar et Dresde qui me viennent en tête. Exit les vacances en famille à Zurich, la découverte de Londres et de ses gardes au bonnet fourré, Ibiza et la grande piscine de l’hôtel. Certains jours j’hésite tout de même à parler d’un certain Noël en Angleterre. Mais ces voyages ont en commun d’avoir été organisés, planifiés et orchestrés par d’autres personnes que moi. Mes parents principalement, mais aussi le collège ou une association pour les séjours linguistiques.
A 17 ans, je ne rêvais que de l’Australie. Ma famille avait accueilli pendant plusieurs mois des jeunes australiennes de mon âge, scolarisées dans mon lycée. Des héroïnes à mes yeux ! Elles m’avaient toutes les deux offert de leur rendre visite. Mais je ne suis pas une héroïne encore moins une aventurière. C’est effrayant de s’imaginer voyager pendant 24h pour atteindre le bout du monde, toute seule avec un anglais très hésitant.
Alors à la place, en guise d’échauffement, j’ai accepté une autre invitation, plus modeste, plus rassurante.
On a probablement tous eu un correspondant au moins une fois dans notre vie. Ma première correspondante s’appelait Emilie et nous étions en maternelle. Aujourd’hui elle a deux garçons, vit dans le nord de la France et nous sommes toujours en contact ! D’un autre côté notre correspondance organisée par nos écoles respectives concernait deux établissements de la même ville. Quand la ville fait environ 15 000 habitants, difficile de ne pas se recroiser.
Au collège j’ai échangé des lettres avec beaucoup d’anglais grâce à mes profs et j’ai demandé à ma meilleure amie E. de me trouver une correspondante allemande. Pour cela elle a simplement demandé à sa propre correspondante de me trouver une copine. C’est ainsi que nous écrivions chacune à notre Tina, toutes deux allant dans le même collège de la même petite ville à proximité de Leipzig.
Facile d’imaginer la suite. Les deux Tina ont invité E. et moi-même à leur rendre visite. Nous allions prendre l’avion côte à côte, nous croiser durant notre séjour, faire quelques sorties ensemble, mais vivre chacune dans une famille différente.
Ce voyage est probablement un vrai point de départ concernant la vie que j’ai choisi aujourd’hui. Le premier pas. Et je n’en ai aucun souvenir !
Enfin si, une frayeur d’abord, à l’aéroport de Francfort (de mémoire, c’était une simple escale). Je présente mon passeport pour embarquer et là, on me parle, en allemand. Je ne comprends rien et je me dis que je ne vais pas pouvoir remonter dans l’avion. Entre les signes et le sang-froid de ma coéquipière, je comprends que je n’ai pas signé mon passeport flambant neuf…
C’est également l’occasion d’une découverte ridicule mais si importante à mes yeux. La mère de ma correspondante nous fit visiter à Leipzig un musée sur la vie en Allemagne de l’Est. Elle avait l’âge de ma mère. Et elle utilisait le « je » pour découvrir ce que nous voyions dans les vitrines. « Je portais ces vêtements pour… » ; « nous utilisions ces cartes pour… ». Et à l’entrée une série de photos prise en rafale, d’un homme tentant de franchir le mur. Des photos en couleur.
D’un coup ce que nous apprenions à l’école n’était pas quelque chose de vague et lointain qui n’existe qu’en noir et blanc dans les livres d’histoire. Le mur qui coupait l’Europe en deux, était à la fois dans les manuels et dans les albums photos. Dans les souvenirs frais de personnes de mon âge. Le choc ! Finalement ce voyage influence très certainement mon choix de ne pas scolariser ma fille et de lui offrir l’instruction en famille (comme on dit, mais je préfère le terme « homeschooling ».
Enfin dernier souvenir, une satisfaction, une petite victoire personnelle. Nous sommes allées au cinéma voir Mission Impossible (mais lequel…) puis chez des amis nous avons regardé Empire Records. Des films vus en allemand donc, et que j’ai compris. J’étais à peine capable de faire une phrase entière, mais je comprenais l’essentiel d’un film. Je pouvais faire mes achats seule. J’avais survécu à un aller-retour avec escale de Paris à Leipzig. Je n’étais pas encore une héroïne qui parcourt le monde, mais cela ne me semblait plus si difficile à réaliser, même avec une timidité excessive et un anglais bancal.
D’ailleurs un an plus tard, je montais seule dans un avion pour Melbourne.
Ce billet participe à l’événement interblogueurs organisé par Jeremy du blog Roadcalls, dont le thème est …. mon premier voyage. L’ensemble des contributions formeront un ebook. N’hésitez pas à aller lire les autres participations (d’ailleurs en cliquant sur le lien, vous votez par la même occasion en faveur de mon article).
J’ai été aussi pour la première fois en Allemagne en voyage scolaire à l’étranger et ce fut un souvenir inoubliable. Ton récit m’a fait repenser à mon voyage qui lui a été à Munich!
Merci pour cette remémoration.
Je pense que les voyages scolaires sont souvent les premiers pas de nombreux voyageurs. D’ailleurs tout le monde semble faire les mêmes circuits, car j’ai aussi passé du temps à Munich avec le lycée.