Le street-art et moi-même sommes encore dans une phase de découvertes. Il y a bien sûr des œuvres qui me font pousser des cris d’émerveillement quand je les découvre par hasard. Mais il me manque encore des tonnes de connaissances pour dépasser la simple admiration. Non pas qu’il faille tout comprendre pour apprécier, mais j’aime admirer en ayant le contexte en tête. Savoir que Banksy est anglais alors qu’Inti est chilien donne une autre lecture de leurs œuvres respectives.
Du coup, quand une copine m’a proposé d’aller voir avec elle et son mari l’exposition sur Banksy à Bâle, exposition temporaire et non autorisée intitulée Building castles in the sky, j’ai accepté avec joie.
Petit aparté pratique
Je vis à Mulhouse, à 29,2 km du musée à vol d’oiseau. J’ai donc la possibilité de passer la frontière comme frontalière, sans test, mais en prouvant que ma résidence et ma destination ne sont pas à plus de 30 km l’une de l’autre.
La possibilité de visiter un musée, alors qu’en France nous sommes privées de culture, a évidemment participé de ma motivation à y aller malgré le prix de l’exposition (les prix sont juste scandaleux pour les musées en Suisse).
Enfin, ma fille de 9 ans n’a pas souhaité m’accompagner car si elle aime bien la petite fille au ballon, le reste des œuvres de Banksy lui font peur. Et je suis d’accord que Banksy étant très engagé, ce n’est pas une exposition que je recommande particulièrement aux enfants. À moins de vouloir se lancer dans des discussions sur l’occupation de la Palestine, le capitalisme, la place de la religion, etc.
Banksy à Bâle : une exposition non autorisée
Banksy est un artiste britannique dont on sait très peu de chose. S’il est doué pour préserver son identité, il est aussi doué pour défendre son travail. Il a un agent, des associés qui vérifient l’authenticité des œuvres qui lui sont attribuées, des revenus tirés du monde de l’art. Et dans le même temps, il critique très fortement ce monde si codifié.
Concrètement cela signifie que l’exposition n’est absolument pas liée à l’artiste. Il ne l’a pas autorisé, il n’a pas donné son avis sur quoique ce soit. Par contre toutes les œuvres sont certifiées comme authentiques, bien qu’elles viennent de collections privées.
Des rats qui grouillent à Mickey Mouse qui brille à l’écran
On débute véritablement l’exposition avec des rats et on avance jusqu’à croiser un Mickey englouti par un serpent pour le parc éphémère Dismaland.
C’est l’occasion de découvrir certaines des sources d’inspiration de Blanksy (comme le français Blek le rat, considéré comme un pionnier dans l’art urbain français), des artistes avec qui il a collaborés (comme les Pussy Riots, des artistes féministes russes) et même des films, des chansons ou des œuvres qu’il a détournés.
D’ailleurs, une infographie très bien faite, permet de voir ses influences de façon générale et donc d’intégrer Banksy à une époque et un contexte précis.
L’exposition permet également d’extraire Banksy de l’image d’un artiste un brin poétique. Ses œuvres les plus célèbres représentent une petite fille avec un ballon-coeur rouge ou encore un homme en colère jetant un bouquet de fleur comme d’autres jettent un cocktail molotov.
En fait, j’en suis ressortie avec une sensation d’entre deux. D’un côté j’ai trouvé que c’était un artiste effectivement avec une force positive. Je n’ai pas l’impression qu’il cherche à faire déprimer mais à faire réagir, à provoquer l’indignation et donc à enclencher une réponse contre une situation complètement folle.
D’un autre côté, j’ai aussi trouvé qu’il avait une vision acérée sur de nombreux sujets complètement déprimants. La violence dans certains quartiers, l’occupation de la Palestine, la surveillance vidéo dans la rue, l’Amérique qui se pose en pays du bonheur, le mépris envers les vieux, les migrants qu’on laisse mourir en Méditerranée, le désintérêt des blancs pour la question du racisme, etc.
Un questionnement sur l’art
Probablement en manque de musée et en lien direct avec la culture mise à mort en France par les précautions liés à l’épidémie, plusieurs points de l’exposition m’ont vraiment interpellés (et paradoxalement je ne les ai pas pris en photo).
Cette phrase sur un cartel présentant l’un des rats de Banksy :
« […] street-art is worthy of love and […] these little contributions can have a positive impact on the surrounding community. »
le street art mérite d’être aimé et ces petites contributions peuvent avoir un impact positif sur la communauté qui vit autour. (traduction perso)
Des grands-mères qui tricotent que le punk n’est pas mort.
L’œuvre d’art pariétale que Banksy avait créée et déposée en douce dans un un musée.
L’exposition Banksy à Bâle est dans une grande salle avec un parcours à suivre et des alcôves au fur et à mesure. Le sol, les murs et le plafond sont noirs. Comme dans tout musée, l’ambiance est feutrée. Le sérieux est de rigueur.
Et pourtant entre les couleurs vives et les messages au mur, j’avais plutôt l’impression qu’on avait tenté de mettre un hyperactif en cage, rognant ici, coupant là et organisant le tout avec soin. Ce n’est pas que je n’ai pas apprécié l’exposition, je l’ai trouvé bien faite, avec des cartels clairs, une excellente visibilité sur les œuvres et la vraie possibilité de circuler ou prendre son temps.
Non, c’est plutôt qu’une fois rentrée chez moi, je me suis rendue compte que si Banksy est avant tout un artiste de street-art, cette exposition n’avait rien qui vient de la rue. Je pense à cette photo que j’ai prise à Bristol d’une de ces œuvres. Il y a un peu de graffiti dans un coin et les poubelles visibles juste en dessous. Je me souviens du bruit des voitures derrière moi, de l’absence de recul pour bien voir et finalement de l’envie d’avancer car cet endroit n’avait rien d’agréable.
J’aime les musées et les expositions, car ils sont conçus par des équipes de professionnels qui organisent les tableaux entre eux et créent des outils de compréhension pour la visite. Mais je crois qu’aujourd’hui, même si mes œuvres préférées ont toutes été réalisées par des artistes morts depuis bien longtemps, j’aime quand l’art est entouré de vivant. Que ce soit avec des voitures qui roulent trop vite à côté, des enfants allongés par terre pour dessiner ou des amoureux plus intéressés l’un par l’autre que par les œuvres.
On ne devrait pas prendre ça autant au sérieux !
Poursuivez la lecture avec encore plus de street-art. Choisissez votre destination pour lire mes autres articles sur le sujet : Lyon, Mulhouse, Paris 13e, Besançon, Nancy et Gand – Malines – Bruxelles. Pour un peu plus de Banksy, je vous conseille mon article sur Bristol.