Être nomade quand on a 2 ans

Cela fait plusieurs fois que l’on me demande comment ma fille vit sa nouvelle vie d’enfant globe-trotteur. Plusieurs fois que j’hésite au meilleur moyen de faire le bilan de trois mois de voyage.
Mais c’est assez difficile car c’est ma première et unique fille. Et même si j’ai travaillé avec des enfants, je n’ai actuellement aucun enfant de la même tranche d’âge autour de moi. Aucun moyen de faire des comparaisons par rapport à un enfant sédentaire. Aucune façon de savoir ce que notre style de vie influence dans son développement.
Et tant mieux !
Je n’aime pas les comparaisons. Une autre raison qui fait que je repoussais au fond de mon esprit cette pause réflexive.

Mais je sais aussi que beaucoup de parents hésitent à se lancer dans de long voyage avec un enfant par peur de l’inconnu. Difficile de trouver des informations sur ces petits voyageurs même s’ils sont de plus en plus nombreux. Je pense par exemple à Loulou, un peu plus de deux ans et en tour du monde pour un an, ou à Cole (4 ans) et sa sœur Stella (bientôt un an), dont les parents ont entrepris leur voyage quand Cole était bébé.

Nine avait 22 mois quand nous avons quitté la région parisienne. Elle balbutiait des mots de français et de japonais. Elle n’avait jamais été en crèche ou halte-garderie, voyait la famille de façon très ponctuelle, adorait faire de l’escalade dans les parcs de jeux et manger de nouvelles choses et en dehors de deux hospitalisations (liées à sa prématurité) et des poussées dentaires n’avait jamais été malade.

Déc. 2013, arrivée au petit matin en Italie
Déc. 2013, arrivée au petit matin en Italie

A présent elle voit sa famille paternelle tous les samedis matin sur skype, puis la famille maternelle le dimanche. Le premier mois elle les réclamait beaucoup, papi, mamie, tata… Maintenant elle se promène avec un jouet (ou un cahier, un bout de bois, etc) collé à l’oreille et prétend téléphoner à tata. Cela me surprend toujours car nous n’utilisons plus de téléphone depuis le début du voyage. Emprunt à la vie d’avant.

Les sorties dans les parcs de jeux sont toujours aussi présentes… quand il y a un parc à proximité. Ainsi à Argasi, elle s’est contentée de la montagne, des poules, des biquettes, des sentiers au milieu des oliviers. Demandez lui d’avancer sur une route, et vous aurez une petite fille de 2 ans, rêveuse et curieuse, un escargot à mes yeux. Installez-la sur un sentier ou mieux sur une vague piste, et vous avez face à vous une randonneuse aguerrie. Elle demande bien entendu à être portée de temps en temps, ou brusquement elle prétend donner à boire à toutes les fleurs sur le sentier. Mais elle marche, elle grimpe, elle saute. Côté mobilité, il n’y a pas à dire, ce voyage lui réussit.

Déc. 2013, Cefalu (Italie)
Déc. 2013, Cefalu (Italie)

Côté langage, en tant que prof de langue étrangère et fan des questions sur le bilinguisme chez les enfants, je suis captivée. A Zagreb, notre première étape, il lui a fallu plusieurs jours pour intégrer le mot « au revoir » en croate et elle n’osait aucune réponse avec les locaux. Mais en Grèce, où elle était en contact très régulier avec le grec, elle a fini par suffisamment saisir la langue pour répondre (en français) quand on lui posait des questions. Dire que j’ai quitté le pays en ne connaissant rien d’autres de plus que « bonjour » et « merci ». Et après une semaine en Italie, elle reconnaît l’utilisation de « ciao » et se retourne pour faire un signe de la main quand on lui dit.
Pendant ce temps, son utilisation du français grandit chaque jour. Par contre le japonais est vraiment mis à mal. Elle a été demandeuse pendant deux semaines en Grèce, mais rien de plus. Du coup, son vocabulaire a grandement reculé.

Jusque là tout à l’air paradisiaque. Et finalement, les moments avec des cris que l’on entend à 5km à la ronde, sont probablement les mêmes que nous aurions eu en restant sédentaire. Après cinq jours de voyage entre Zakynthos et la Sicile, ces cris ont été un peu plus nombreux (à chaque fois que son pull entrait dans son champ de vision par exemple). Pas facile de changer de lit tous les soirs, d’être face à la nouveauté en permanence pendant cinq jours, d’être réveillé par le téléphone de l’hôtel (une erreur). Même la météo, la langue et la nourriture étaient différentes. Mais après une sieste de 4h, la vie retrouve son rythme normal.

Déc. 2013, Cefalu (Italie), 14°C, c'est trop pour mettre un pull...
Déc. 2013, Cefalu (Italie), 14°C, c’est trop pour mettre un pull…

L’autre changement est la quantité de lait qu’elle ingurgite chaque jour. Avant notre départ, un seul biberon était indispensable, celui du coucher. A présent, elle consomme trois biberons pleins de lait par jour ! Tout en goûtant chaque nouveau plat que nous lui proposons. Elle peut ainsi manger toute seule un demi-kebab wrap et ses frites, 1/3 de pizza, n’importe quel fromage local, des clémentines à longueurs de journée (mais de préférence celles qu’elle épluche elle-même).

En dehors de l’aspect linguistique, je ne suis pas sûre que le voyage change beaucoup sa vie finalement. Je pense qu’il change la notre en nous offrant une plus grande disponibilité. Et ainsi nous prenons le temps de faire les choses avec elle, selon son rythme. Et du coup, tout se passe en douceur, pour elle, comme pour nous.

Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas à laisser un commentaire ou à m’envoyer un mail.

39 commentaires Ajoutez les votres
    1. Je pense effectivement que l’impact le plus fort va être dans une ouverture inconsciente sur le monde qui l’entoure, et peut-être une petite facilité ou un attrait pour les langues étrangères. On verra bien de toute façon, mais il va falloir être patient.

  1. C’est marrant cette histoire de boire 3 fois plus de lait qu’avant, c’est du à quoi ?
    Sinon c’est intéressant de voir le comportement d’une petite fille de cet âge.
    Je n’ai pas d’enfant mais je compte bien partir en voyage avec le jour où j’en aurai.
    Merci pour ce petit bout d’histoire.

    1. On a plusieurs hypothèses pour le lait :
      – une sorte de régression (même si maintenant elle ouvre le frigo et prend son biberon toute seule)
      – une manque en calcium, produit laitier, etc
      – un besoin plus important de temps calme que le biberon justifie très bien.
      Mais nous ne serons probablement jamais le fin mot de l’histoire

      1. Salut, je serai contenté d’échanger nos expériences car j’ai aussi voyager avec ma fille pendant 2 ans de sa naissance à ses 3 ans avec des coupures. Et je trouve ça magique. Cordialement à bientôt.

  2. Je n’ai pas d’enfant, mais je me suis plus d’une fois posé la question de quel était de ressenti d’un enfant en voyage. Quand je vois des parents qui voyagent avec des enfants en bas âge, je suis à la fois admiratif et émerveillé. Bref, je trouve ça excellent. Et je constate à chaque fois que ça facilite grandement le contact avec les locaux car au fond, presque tout le monde aime les enfants. Mais ensuite, je me demande souvent et eux, ils en pensent quoi ces bambins ? La petite enfance ne laisse que rarement des souvenirs (moi avant 5 ans, je ne me rappelle de rien, à part une chute de lit), mais est-ce que ça change quelque chose en voyage ?

    1. Dans une discussion entre parents voyageurs, il y a quelques temps, l’un d’entre nous a très justement dit, qu’il est ridicule d’agir avec les touts-petits en fonction des souvenirs qu’ils auront plus tard. Sinon à quoi bon les aimer, les embrasser, leur présenter nos amis, leur faire écouter de la musique, etc. Contentons-nous de leur fournir le minimum vital et de les faire pousser et commençons les interactions vers 5-7 ans. (je n’ai aucun souvenirs avant le CP).
      Je pense que montrer le monde à ma fille, c’est comme lui dire « je t’aime » tous les soirs, je l’aide à construire celle qu’elle sera plus tard, une fillette puis une jeune fille, qui sait être aimée de sa famille et que le monde peut être grand et passionnant.

    2. Je me suis peut-être mal fait comprendre dans mon commentaire. J’approuve complètement la démarche. Et quand je dis m’interroger à savoir si ça change quelque chose en ce qui concerne les souvenirs que ta fille aura (ou pas) de cette période, c’est juste une interrogation, pas une inquiétude ou quoique ce soit de la sorte.

  3. je trouve que c’est pas une mauvaise chose se voyage avec votre petite fille mais le retour a la vie sédentaire risque de ne pas être facile pour elle étant donné qu’elle n’a connue que la vie de baroudeuse.

    bon courage pour la suite et bon voyage!!! 🙂

    1. Bonjour,
      nous avons choisi une vie nomade relativement tranquille. Autant que possible nous restons un mois dans le même appartement, nous mettons en place une petite routine. Elle connaît la vie à la maison. Je pense que cela doit être bien plus dur pour les enfants qui voyagent en tour du monde changeant d’hôtels tous les 2 ou 3 jours, ceux en camping-car.
      Après on essaye toujours de faire de notre mieux, comme tous les parents. Et comme tous les parents, nous n’avons probablement pas toujours raison.

    1. Bonjour,
      Le but c’est de profiter de la vie.
      L’argent c’est mon travail de professeur de français langue étrangère en ligne.
      Nous sommes trois, papa, maman et bébé. Nous prenons notre temps, nous vivons ensemble, nous apprenons de nouvelles langues étrangères ou de nouvelles recettes de cuisine.
      A une prochaine fois peut-être.

  4. J’ai beaucoup adorée votre histoire, j’aurai aimer que ma mère le fait pour moi mais ce n’est jamais trop tard. Je pense meme à le faire vivre à mes enfants Merci beaucoup 🙂

  5. On a voyagé durant une année en famille avec ma soeur 2 ans à l’époque, mère, beau père et moi ( 10ans à l’époque ), l’expérience etait grandiose et ma soeur était pleinement épanouie touche à tout, aventurière, rêveuse, un peu comme votre petit ange 🙂 1 année magique ! Peut etre trop court, maintenant elle à 15 ans, l’adolescence et les moeurs de la société française ont eu raisons d’elle. Fermeture et apparence …
    Dommage. J’attends un enfant et j’aurais l’occase je partirais à travers le monde ou même l’Europe sans hésiter. Convaincu que même a un âge bas, un enfant retiens tout 🙂
    Je vous souhaite tout plein de bonheur et de profiter pleinement de l’instant présent 😀
    Et que Nine, rêve encore, continue à arroser toutes les fleurs, et quitte son pull sous 14′ degrés ^ ^ 😀

    1. Je pense qu’il ne faut pas que notre voyage soit une simple parenthèse, sinon l’effet sur l’ouverture de l’esprit de Nine risque d’être limité. Mais même en voyageant longtemps ou souvent, nous ne doutons pas que l’adolescence fera ses ravages comme partout.

  6. Bonjour!

    Ne vous en faîtes pas, que les souvenirs soient enfouis dans l’inconscient ou pas, ils existent, et tout ce que vit un enfant même avant de sortir du ventre de sa mère influe sa vie future, sa personnalité, et toutes les facettes de sa personne.

    Personnellement je trouve ça super votre voyage, ça a l’air sympa et ça ne peut pas faire de mal à un enfant à mon avis, bien au contraire. Surtout si vous êtes à l’écoute et que vous avez le choix. Peut-être se découvrira-t-elle une âme de sédentaire dans quelques mois ou années, ou bien prendra-t-elle goût au voyage et ne voudra plus quitter la route.

    De toute façon les enfants sont des êtres très aptes à s’adapter. C’est sa définition de la réalité qui est en train de se construire doucement. Alors si pour elle la vie c’est sur la route, ce ne sera pas pire qu’autre chose.

    1. Et puis c’est une vie sur la route confortable, car loin d’être des routards, nos sacs à dos nous permettent de passer d’un appartement à un autre.
      Merci beaucoup de votre passage ici et à bientôt peut-être.

  7. Coucou, je trouve que ce que vous faites est vraiment magnifique….C’est un rêve que je garde dans un coin de ma tête et je conte bien réalisé un jour….Je pense que pour un enfant le plus important et d’être aimé de sa famille (ce qui a l’air d’être vraiment le cas) et de respecter son rythme que se soit pour le sommeil et la nourriture (ce qui a l’air d’être le cas aussi)….A partir du moment qu’un enfant a ces choses il peut s’adapter a tout (pratiquement). Je pense que cela peut être que positive pour elle et son ouverture d’esprit. Je vous souhaite pleins de belles choses pour ce voyage. Et après un telle expérience que cela doit être dur de revenir en 4 murs….

    1. Bienvenue !
      Le temps en famille est quelque chose de précieux qui ne dure jamais assez longtemps. Donc nous en profitons un maximum en gardant le plus loin possible de notre esprit la vie entre les 4 même murs pendant des années. Mais tout dépend du lieu de ces 4 murs…
      A bientôt

  8. salut moi aussi je suis prof de Fle et de sciences de l’éducation. J’ai voyagé avec mon enfant d’un an et demi de manière périodique
    il a vécu entre l’Amérique et la France
    Maintenant il est ouvert d’esprit et très réceptif*

    On pourra se partage des expériences

    1. Bienvenue collègue 😉
      J’ai justement choisi le FLE pour pouvoir changer de lieux régulièrement. Je suis contente de voir qu’en grandissant les enfants gardent une grande ouverture d’esprit.
      A bientôt

  9. bonjour et merci pour ce petit article qui est sympa a lire 🙂 ayant ete nomade avant d’avoir mon fils,qui va avoir 3 ans en fevrier je chercher a le redevenir mais en douceur et comme vous l’avez expliqué vous meme avec un minimum de temps de stabilité pour l’enfant pas bouger tous les jours d’endroit tout le temps. et du coup je me pose pleins de question aime découvrir les expériences de vie des autres mais ayant un peu testé et en connaissant bien mon fils je sais que ce serait un idéal de vie pour lui sauf l’éloignement de la famille …bonne continuation 🙂

    1. Il a été un peu difficile de faire comprendre à la famille qu’apprendre à utiliser skype était important pour notre fille. Mais c’est un outil gratuit et tellement pratique qu’elle a finalement plus de contacts avec ses grands-parents maintenant qu’avant le départ !

  10. Hello,
    Quelle chance elle a d’avoir des parents qui osent réaliser ce que tant d’autres ne font qu’imaginer… Cela lui apportera certainement des choses inestimables telles qu’ouverture d’esprit, faculté d’adaptation, etc… Ne vous inquiétez pas, je pense que l’important pour elle est d’être avec vous, c’est tout. Connaissez-vous les « six en route »?
    faites une recherche sur youtube notamment, ou facebook. Ils passent aussi dans cette émission, où d’autres parents qui sont partis faire le tour du monde avec leurs enfants en parlent. http://www.france5.fr/emissions/les-maternelles/videos/93621007#disqus_thread
    Voir à partir de 16 min.
    Bonne continuation! (une maman de 3 enfants) 😉

    1. Bonjour,
      Je connais les « 6 en route ». Il y a finalement pas mal de famille qui voyagent autour du monde. J’en présente d’ailleurs quelques unes dans la rubrique voyage / famille. Pour un an, pour toujours, avec un, deux ou quatre enfants, les possibilités sont multiples !
      A bientôt

  11. Bonjour !

    Je viens de découvrir votre aventure et j’aime beaucoup !
    J’ai entrepris cette année un voyage à cheval d’un an, seule, avec mon cheval, mon chien et mon chaton, et j’espère un jour pouvoir en faire un avec ma famille !! 🙂

    Bon courage, bon voyage et au plaisir !

    1. Bonjour,
      Je me demande ce qui est le plus difficile à gérer entre trois animaux et trois enfants… Je crois avoir ma petite idée et me contenterai d’un seul enfant 😉
      C’est drôle, car notre point de départ est quasiment commun, nous habitions à Saint Gratien avant. Tu es sur la route depuis longtemps ? Bon voyage en tout cas, profites en bien.
      A bientôt

  12. Etre parents c’est l’être ici.. et là-bas, au final ce n’est pas tant le voyage qui compte mais ces moments qu’il offre, l’ouverture d’esprit que vous lui donnez, sans justement qu’elle en prenne réellement conscience.. et ca c’est un joli cadeau !! Belle(s) route(s) à vous trois !

    1. Je suis totalement d’accord, le plus dur c’est le rôle de parent, pas celui de voyageur. Alors être dans une même maison tout le temps ou pas, ne change pas notre mission principale.

  13. Mon mari et moi sommes alpinistes. Nous avons sillonnés les alpes françaises, italiennes, indiennes… toute notre vie à deux puis à 4 quand nous avons eu nos enfants. Ils ont aujourd’hui 24 et 19 ans et ont gardé cette soif d’aventures et de liberté. Je pense que le voyage ici ou ailleurs est une merveilleuse ouverture au monde par les bonnes ou moins bonnes rencontres, par les difficultés aussi rencontrées. Vivre à 100% le moment présent…..

    1. J’apprécie toujours de lire qu’une fois grand, il reste à ces enfants voyageurs, quelque chose de ces expériences que nous leur offrons.

  14. Quelques années plus tard….

    Il reste en effet quelque chose, même si les voyages en famille se font plus tard. 3 filles en 4 ans, nées dans 3 logements différents à cause d’une vie professionnelle un peu compliquées (et ça a continué avec 4 régions différentes). Et pour les vacances 3 semaines de camping itinérant, avec un vague itinéraire. On démontait le matin et partait a l’aventure sans savoir où on serait le soir ni pour combien de temps. Il y a eu de multiples découvertes….
    En plus des souvenirs ça leur a laissée un ouverture d’esprit et une adaptabilité précieuse

    J’ai rencontré Nine ce week-end à Happy games, cette petite est fascinante; elle semblait tellement à l’aise dans le groupe.

    1. Bienvenue sur le blog.
      Je pense qu’effectivement l’adaptabilité est une qualité que l’on apprend en voyage et qui, pour Nine, semble gagné à vie.

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