Il y a des petites phrases que l’on prononce à voix haute sans mesurer les conséquences qu’elles auront. Ce jour-là, j’étais en train de perdre mon temps en faisant défiler les publications sur Twitter quand j’ai dit : « Oh, il va y avoir une exposition au Louvre-Lens avec un tableau de Soulages ». Bien sûr, ce n’était pas une phrase totalement anodine, puisque Soulages a pris la place de Magritte dans le cœur de Nine. Il est son nouveau peintre préféré.
Sauf que Lens, depuis l’Alsace, ce n’est pas une destination idéale. Il faut prendre le train jusqu’à Paris, changer de gare puis prendre un autre train. Et puis, je me suis déjà promenée dans Lens, à l’occasion d’un blog-trip. Sauf que cette petite phrase jetée en l’air s’est installée dans un esprit passionné et obstiné. Je ne pouvais pas prononcer le mot été sans entendre en écho Soulages… Finalement le confinement, en bouleversant les dates de l’exposition, est venu renforcer cet envie.
Mi-juillet, nous avons donc visité l’exposition Soleils noirs au Louvre-Lens. Et grâce à l’office de tourisme de Lens, nous avons bénéficié d’une entrée gratuite et d’une visite guidée. Retour sur cette exposition, qui devrait séduire toute la famille, même sans avoir le noir comme couleur préférée !
Soleils noirs, de quoi s’agit-il ?
Le noir est une couleur extrêmement riche en symbolique et possibilité. Couleur du deuil ou de l’élégance, du ciel infini ou du charbon, des peurs, de la misère et peut-être même d’une certaine forme de luminosité.
Plus qu’une exposition de plus à portée nationale, c’est encore une fois une exposition ancrée dans son territoire que le Louvre Lens présente. L’exposition célèbre en effet le 300e anniversaire de la découverte de la toute première veine de charbon dans la région. C’était le 3 février 1720, à Fresnes-sur-Escaut.
L’exposition Soleils noirs présente 180 œuvres (plus ou moins, car certaines œuvres n’ont pu rejoindre le musée à cause de l’épidémie) qui invitent à la réflexion, au voyage dans le temps et dans l’espace et surtout à reconsidérer la couleur noire.
Mon avis sur Soleils noirs
Je suis encore novice en connaissance artistique et plus j’apprends plus j’ai l’impression de ne rien connaître. Sans Nine, je n’aurai jamais été visité cette exposition.
La première œuvre que nous avons eu sous les yeux (juste après du charbon évoquant le 300e anniversaire dont je parlais plus haut) m’a immédiatement plu. Il s’agit d’un tableau d’une artiste aborigène, Dorothy Napangardi. Jusqu’à présent j’associais plutôt l’art aborigène à une profusion de couleurs créant les chemins des rêves. En noir et blanc, il y a une élégance et une fausse simplicité qui captivent.
J’ai eu plaisir à passer d’une ambiance à une autre, selon le rôle accordé au noir par les artistes exposés. Je suis loin d’avoir tout apprécié, mais ce n’est pas la raison principale pour laquelle je vais visiter des musées (je pourrais me contenter de livres sur mes artistes préférés).
Ainsi le tableau monochrome Who’s Afraid of the Dark ? de Damien Hirst est assez perturbant (il a utilisé des mouches mortes). Sauf que n’ayant jamais compris l’attrait que l’on peut avoir pour un monochrome, quelque part c’est presque plus intéressant que les bleus de Klein…
Cela me fait penser à ce que j’ai finalement préféré dans cette exposition. Puisque le thème est la couleur, des œuvres extrêmement différentes sont placées les unes à côté des autres. On fait alors connaissance avec des artistes ou des styles que l’on aurait peut-être éviter dans d’autres circonstances.
L’avis de Nine sur Soleils noirs
Je cite directement les propos de Nine, 8 ans.
C’était trop cool de voir en vrai deux tableaux de Soulages. Ils étaient dans la même salle. Ils étaient lumineux puisque la lumière se reflète sur la peinture. Je ne pensais pas que ses tableaux étaient aussi grands.
J’ai beaucoup aimé la salle toute noire. C’est une installation avec un sol et des murs noirs. Normalement il y a un rideau pour fermer et être vraiment dans le noir, mais à cause du corona il reste ouvert. Le sol est mou, les murs aussi. Le mur de gauche est très loin et on entre vraiment dans le noir pour le rejoindre. Et le seul bruit est une chanson chantée par la mère de l’artiste. Je m’attendais à une pièce horrifique mais en fait c’est juste vide. La première fois c’était un peu effrayant, mais la deuxième fois que j’y suis entrée c’était trop cool.
Je ne pensais pas qu’il y aurait autant de choses différentes sur le noir. Il y avait des choses pour faire peur. Côte à côte il y avait une araignée, un corbeau et un loup. La médiatrice m’a demandé si ça faisait peur, mais ce sont tous mes animaux préférés, enfin pas l’araignée, mais elle avait un air un peu idiot et non effrayant (voir la toute première photo de cet article).
Il y avait aussi beaucoup de choses sur la mythologie (mais ça ne m’intéresse pas, alors je n’ai pas aimé), des tableaux sur la mode et des robes noires (magnifiques), du charbon par terre, un terril en confettis noirs, des films en noir et blanc. Il y avait très peu d’art abstrait.
J’ai beaucoup aimé discuté avec la médiatrice. Elle était très gentille et j’ai appris des nouvelles choses avec elle. C’était mieux de faire la visite avec elle qu’avec le livret jeux comme on fait d’habitude.
Visiter en famille l’exposition Soleils noirs
Il est possible de se rendre au Louvre-Lens sur un coup de tête. Aucune réservation n’est nécessaire, même pour l’exposition Soleils noirs (toutes les informations pratiques à vérifier ici). Aucune connaissance préalable n’est indispensable. Les enfants se voient remettre un livret jeux à l’entrée. Cela permet d’orienter le regard, de savoir où aller, sans se sentir perdu face à la quantité et à la variété d’œuvres. On peut s’en passer ou aller plus loin en lisant toutes les petites affiches (nommées cartels) surmontées de l’étrange araignée d’Odilon Redon.
Entre nous, je pense que les adultes un brin réfractaire à la visite de musée devraient également se concentrer sur les cartels rouges. Les textes vont à l’essentiel et surtout permettent de vraiment regarder l’œuvre et non d’emmagasiner des connaissances plus techniques dont on ne sait pas toujours quoi faire.
Personnellement, comme je doutais de pouvoir aller jusqu’à Lens, j’avais présenté plusieurs vidéos réalisés par le musée à Nine. Du coup, elle avait également hâte de découvrir le tableau de La dame au gant de Charles Auguste Émile Durant et la Croix de Kasimir Malévitch. Et pour se fondre dans l’ambiance, elle avait choisi de porter sa petite robe noire lors de sa visite. Nous avions aussi repris la lecture de la revue Dada dédiée à Soulages.
Bien sûr le noir est également la couleur du deuil et toute une section est centrée sur cette thématique. En réalité cette section n’a pas posé de soucis, par contre Nine n’avait aucune envie de s’attarder du côté du noir romantique (où l’on croise les sorcières de Macbeth et l’Enfer de Dante) et encore moins dans la partie sur le noir rédempteur (avec plusieurs représentations du Christ souffrant).
L’exposition Soleils noirs est suffisamment grande pour traverser sans regarder deux salles !
Par contre, quitte à aller découvrir le Louvre-Lens, autant prendre avec soi son pique-nique pour profiter du parc. Nous avons été saluer les Waders, Alice et son lapin (échappé du pays des merveilles) et les carpes dans le point d’eau. Puisque c’est l’été, nous avons aussi pris place dans les transats mis à disposition.
Et bien sûr, j’ai testé une pâtisserie (d’un véritable pâtissier installé dans le centre de Lens) avec mon café, directement à la cafétéria du musée.
Il est possible de prendre le train à Paris le matin et de rentrer le soir. Le musée du Louvre-Lens est accessible à pied depuis la gare de Lens, en 20 minutes, sur un chemin principalement dédié aux piétons et bien fléché (en partie avec une signalétique à même le sol).
Mais finalement, j’avais envie d’un peu plus, alors j’ai choisi un hôtel face à la gare et j’ai pris rendez-vous avec la correspondante de Nine (qui habite presque dans le coin). Je vous en parlerai dans un prochain article, même si notre programme incluait majoritaire des lieux que j’avais déjà découvert et présenté il y a deux ans (ici).
Si Lens vous semble trop loin, découvrez ma présentation sur l’exposition Araignées, Lucioles et Papillons à Paris ou ma liste de 50 activités à faire en Alsace.
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Ce musée du Louvre-Lens me fait très envie, depuis plusieurs années. Je ne connaissais pas Soulages, alors merci pour la découverte !
Petite question, sur ta photo de l’étang dans le parc (l’avant-dernière de l’article), que sont les points bleus que l’on voit ?
Soulages est un artiste du sud de la France, qui a 100 ans (le détail le plus impressionnant pour Nine). Je sais qu’il a fait des vitraux en plus de ses tableaux mais je ne sais plus où…
Les points bleus sont une autre installation artistique juste au-dessus de l’eau.
Je te souhaite d’avoir l’occasion d’aller jusqu’au Louvre-Lens, ne serait-ce que pour réfléchir à l’existence des musées sous un autre angle, moins sacré, plus vivant.