Le Japon est un pays au cœur de nombreux fantasmes. Et il suffit de visiter la maison de Victor Hugo à Paris pour se rendre compte que ce n’est pas un phénomène récent. Et pourtant le Japon est également un pays sur lequel les clichés ont la vie dure.
J’ai la chance de partager mon quotidien avec un passionné du Japon. Grâce à lui, j’ai des connaissances sur l’archéologie, les châteaux de montagne et plus généralement sur le Moyen-Âge que je ne pensais jamais acquérir (je vous laisse deviner le sujet de son mémoire de master). En faisant un effort de mémoire, je peux même vous expliquer pourquoi Naruto mange des ramen et non du riz. Un jour, peut-être ouvrira-t-il un blog pour partager tout ça avec vous (j’en doute), en attendant, je vous propose cinq livres pour avoir une vision plus juste du Japon. C’est également l’occasion de rappeler que le manga n’est qu’un format (comme le roman) et que je suis fan de récits de voyage.
Chaque lien vous permet d’obtenir les références du livre, éventuellement de le commander en ligne. Mais n’oubliez pas de vérifier d’abord s’il ne serait pas disponible dans votre bibliothèque.
Le tigre des neiges – Akiko Higashimura
Le tigre des neiges est un manga historique passionnant. On plonge dans le XVIe siècle sur les pas d’un puissant seigneur de guerre : Kenshin Uesugi. De nombreux documents historiques laissent à penser que ce seigneur était en réalité une femme.
L’autrice du manga a fait le choix de cette théorie et explique avec détails les raisons de son parti pris, à partir de documents historiques précis. Elle va jusqu’à justifier pourquoi elle représente tel seigneur en bel homme et non en petit gros. Il y a donc une véritable approche historique et l’ensemble forme une belle biographie. Enfin l’ensemble, je n’ai lu que les deux premiers tomes pour le moment.
En tout cas il s’agit d’une série pour adolescents ou adultes, car le texte est dense. En plus de découvrir la réalité militaire et les conflits politiques, on en apprend plus sur la vie des femmes, des paysans, des soldats (qui en fait étaient des paysans). Vous n’y croiserez aucun samouraï par contre, juste les prémices de ce qui fondera ce groupe social si emblématique du Japon.
Même sans être féru d’histoire (ce qui est plutôt mon cas), on se passionne vite pour le personnage principal, la série débutant avec la naissance de celle qui deviendra Kenshin Uesugi.
Les cygnes sauvages – Kenneth White
J’ai découvert Les cygnes sauvages, un tout petit livre, dans une librairie à St Nazaire. Intrigué par le format, je l’ai acheté pour l’objectif de l’auteur, atteindre le Hokkaido.
Les cygnes sauvages est un récit de voyage et un carnet de poésie. C’est également une réflexion sur les désignations et les considérations successives du Hokkaido, cette île tout au nord du Japon. C’est également un bel hommage à la marche comme source de création.
Le Japon est un décor, les rencontres sont improbables. Et d’une certaine façon, l’auteur nous transmet une vision poétique d’un Japon qui n’est plus. Mais j’ai pris plaisir à voyager dans le temps et dans le pays, à mieux connaître la place de la marche pour les auteurs de haikus. J’ai aimé la simplicité de ces poèmes en trois lignes et le concentré de réalité qu’ils peuvent contenir.
À pied sous les volcans, Japon – Nicolas Jolivot
Bel objet à offrir, étrange livre à ranger sur ses étagères, le carnet de voyage à pied sous les volcans Japon invite à découvrir une région bien différente de celle qui accueille Kenneth White. En effet, c’est sur l’île la plus au sud que Nicolas Jolivot va marcher. Et au lieu de créer des haikus, il dessine, le paysage, les gens, les fruits, les volcans.
Les textes sont courts, ils ne semblent être que des extraits d’un carnet plus abondant. L’intérêt est dans le dessin et les légendes plus ou moins longues. La marche que l’on vit par procuration se focalise sur les volcans, loin du Japon ultra urbanisé si souvent présenté.
Isabella Bird, femme exploratrice
La série Isabella Bird, femme exploratrice est un manga qui se concentre sur le voyage vers le nord du Japon réalisé par la britannique Isabella Bird en 1878. La jeune femme part seule, en compagnie d’un simple guide interprète. Elle est indépendante, têtue et passionnée. Elle est terriblement inspirante mais elle est également méconnue, puisqu’il n’y a actuellement aucun de ses textes disponibles en français. Le manga a donc été une véritable découverte pour moi, découverte de l’exploratrice et du Japon à l’heure de l’occidentalisation forcée.
Isabella Bird veut traverser des régions inconnues des Européens. Pour cela, elle traverse des paysages et des régions que l’on pourrait décrire comme étant traditionnels, c’est à dire loin du Japon fantasmé, loin de l’élégance ou du raffinement associé à la ville. Les paysans n’hésitent pas à écraser la mue de certains insectes pour soigner leurs enfants et à vivre quasiment nus pour préserver leurs vêtements. C’est une période de transition, les citadins tendant vers le modèle occidental totalement ignoré dans les campagnes. Et pourtant, il m’a suffi d’admirer les cases du manga représentant les étals de marchandises pour me souvenir de certaines salles du musée Edo-Tokyo.
Lors de certaines scènes, j’ai eu beaucoup de doute sur la réalité historique. Était-ce vraiment ainsi ? J’ai fait quelques recherches sur Isabella Bird et bien sûr le manga romance l’ensemble, mais le caractère semble bien être le même. Côté Histoire, mon amoureux trouve que cela est très correct, notamment l’insistance sur le contraste entre la ville et la campagne.
Le gourmet solitaire – Jirô Taniguchi
Si j’ai déjà lu il y a quelques années Le gourmet solitaire, cet été je me suis plongée dans la « suite », les rêveries d’un gourmet solitaire. C’est vraiment le meilleur manga qui existe pour comprendre la nourriture japonaise mais aussi les différents types de lieux de restauration et l’intimité des japonais.
Ce manga n’a pas vraiment d’histoire. Dans chaque chapitre on suit les pas d’un homme, qui travaille dans le commerce et voyage dans tout le pays. Le point de départ est toujours le même : il a envie de manger quelque chose. Parfois il va au plus rapide, à d’autres moments il veut impérativement goûter une spécialité locale. Le plus souvent il est séduit, mais il vit aussi de mauvaises expériences, des clients dérangeants, de la nourriture pas terrible. Heureusement les bons plats sont les plus nombreux et moi, je me retrouve à saliver ou à vouloir tester de nouvelles recettes.
Les adresses existent réellement le plus souvent., mais puisque le premier tome a été publié dans les années 1990, il se peut que cela ait beaucoup changé. Par contre les plats sont tous de vrais plats japonais et cela peut être intéressant de noter quelques noms pour les tester. Petit bonus, un chapitre est dédié à la nourriture parisienne, un excellent rappel que les plaisirs des uns dépassent souvent les préjugés des autres.
D’autres livres sur le Japon ?
Ce n’est qu’un petit échantillon, directement issu de mes dernières lectures. N’hésitez pas à me conseiller d’autres livres offrant une belle vision de ce pays si différent et pour moi, si attirant.
Très chouette article. Je viens de commencer les Rêveries du gourmet solitaire. j’avais beaucoup aimé le premier tome, et on peut les relire à l’infini. Rien qu’à le lire on a une folle envie de déguster ces différents plats. Je ne connais pas les autres livres mais tes descriptions sont intéressantes. Isabella Bird en particulier pique ma curiosité.
Juste une précision concernant Isabella Bird, depuis ma publication, il n’y a eu aucun nouveau tome et aucune nouvelle concernant la suite. J’espère que ce n’est pas une série interrompue !
Je retrouve ton blog au détour d’une recherche sur le Tigre des neiges ! Je viens de finir le tome 5 et si les deux premiers tomes ne m’avaient pas trop emballée, je commence à m’attacher à Tora/Kagetora/Kenshin et à sa vie à cheval sur les genres. Tu me donnes envie de lire la série sur Isabella Bird et Le gourmet solitaire. Dans le même genre que ce dernier, la Cantine de minuit tient très bien la route sur ses sept tomes traduits, mais je crois qu’on en avait déjà parlé.
À part ça, des mangas qui donnent à voir une belle vision du pays… je n’aurais qu’un mot : MUSHISHI !! (mon manga préféré (ex-aequo avec un manga/manwha mais qui se passe dans la Corée légendaire).
Ohlala on pourrait en avoir des discussions passionnantes sur les mangas et le Japon en général !
J’ai adoré la Cantine de minuit (mais je n’ai pas tout lu). J’ai aussi regardé quelques épisodes, mais le charme n’est pas le même je trouve.
Mon amoureux est vraiment un très grand fan du Tigre des neiges, donc nous les avons tous (il y en a 7 actuellement), mais je n’ai lu que les 3 ou 4 premiers. Je passe mon temps à me dire qu’il faut que je m’y remette.
Par contre je ne connais pas Mushishi (j’ai déjà croisé la couverture mais rien de plus), tu me donnes envie du coup. Et je suis curieuse de savoir quel est ton manwha préféré ! Car j’adore autant en parler qu’écouter les autres en parler, puis lire.
Alors avec Mushishi, si tu aimes les légendes, tu vas être servie. Je trouve que c’est un manga d’une grande poésie ; par contre, il faut passer outre le dessin pas toujours terrible… L’autrice est douée pour montrer des ambiances mais ses persos laissent parfois à désirer.
L’autre manga que je tiens pour culte, c’est Le Nouvel Angyo Onshi, qui se situe dans une Corée légendaire mais où les Occidentaux sont déjà présents. Le manga commence à dater mais je trouve le dessin sublime et l’arc entre le protagoniste et l’antagoniste est quasi-philosophique… Hormis un arc mineur et peu intéressant qui tombe un peu sur la soupe aux deux-tiers de la série, je me régale.
Je suis vraiment frustrée car aucun de ces deux titres n’est disponible dans ma bibliothèque, mais je les note au cas où je les croiserai ailleurs ou en occasion.