C’était un été entrecoupé de canicule mais une journée avec pull et petit foulard, kway au fond du sac et ciel gris au-dessus de nos têtes. Une petite journée pour découvrir le Mans, une ville qui ne m’évoquait rien d’autres que Michel Vaillant. Pourtant, à ce stade de mon été, j’avais déjà mangé des rillettes (il faut garder le sens des priorités) mais je n’avais pas encore tout saisi sur le terme La cité des Plantagenêt. Quelle idée d’être une ville française dont le passé semble appartenir en priorité aux manuels d’histoire britannique !
Quand tu ne sais pas où aller, toujours commencer à l’office de tourisme
Nous (Nine et moi-même) étions en très bonne compagnie et nous aurions pu nous laisser porter. Sauf que la compagnie incluait un autre enfant et qu’en ville, si je veux faire la touriste avec d’adorables bambins, j’ai bien remarqué que ce qui fonctionne c’est de devenir animatrice de colonie. Enfin non, pas vraiment, mais de trouver un circuit, idéalement un circuit jeu, et de surveiller d’un œil le plan, de l’autre les enfants, tandis que l’appareil photo photographie et que mon cerveau se pose des milliers de questions.
En cet été 2022, il y avait à l’office de tourisme du Mans une grande carte de la Cité des Plantagenêts, intitulée « chasse aux trésors ». Elle propose trois circuits de différentes durées avec pour chacun de très nombreuses questions. Le hic est que, si le parcours se fait en toute autonomie, les réponses, elles, ne sont pas incluses. Cela donne du relief aux discussions mais pour le dire simplement, je trouve ça nul. C’est face aux monuments qu’on veut la bonne réponse, pas une fois de retour dans la voiture.
L’autre information importante que j’ai eu est la différence entre le Mans et la Cité des Plantagenêts. On désigne par celle-ci le centre historique. Un entrelacs de ruelles pavées sur vingt hectares, quasiment sans voiture, avec des escaliers, des montées et des descentes. Parfait pour bien digérer, beaucoup moins quand on est une personne à mobilité restreinte.
Ne jamais marcher le ventre vide
On peut visiter une ville en ayant faim. J’en suis certaine, mais pourquoi visiter un lieu quand l’estomac détourne l’attention de l’architecture ou des informations historiques.
Je n’ai testé qu’une seule adresse vu que c’était une découverte express et cela ne reflète donc absolument pas la réalité des rues du Mans. Mais j’ai bien mangé donc j’ai envie de vous en parler. Nous étions chez Ernest Inn. Il y avait des burgers, des frites, une équipe dynamique et des clins d’œil au 24h du Mans. Moi, ça me va, j’ai l’impression d’avoir coché ce qu’il faut avoir vu au Mans sans avoir besoin de m’approcher du circuit.
Le Mans, une ville de reines
Je suis repartie du Mans plus frustrée que satisfaite. J’y ai découvert des bribes de vies royales sans réussir à en savoir plus. J’aurai aimé me plonger dans un récit me permettant de combler les trous, mais je n’ai rien trouvé. Alors je n’ai que des bribes à vous offrir (de longues bribes, je ne suis pas la reine de la concision), pour vous allécher vers une autre approche de l’histoire de France.
Je vous invite à voyager dans le passé, jusqu’à l’époque des Capétiens. Ce qui constitue la France que l’on connaît aujourd’hui est divisée en principautés, duchés, comtés et même marquisats. À l’arrivée sur le trône d’Hugues Capet, les cartes sont assez flagrantes : le plus grand territoire est celui du duché d’Aquitaine. Le comté d’Anjou, où se trouve le Mans, est assez ridicule. Mais ce n’est pas grave, rien ne vaut un mariage et une dot habilement choisis pour changer les cartes. C’est d’ailleurs le cas un peu partout et on se retrouve avec des personnes qui portent bien trop de titres pour une seule tête.
Et donc si les Capétiens commencent leur dynastie en 987 avec le couronnement d’Hugues Capet, les Plantagenêt commencent la leur en 1128 avec le mariage de Geoffroy V (surnommé celui qui plante du genêt soit en français de l’époque plante genest) et Mathilde l’Emperesse. Ça en jette comme nom, n’est-ce pas.
Elle est la fille du roi d’Angleterre et duc de Normandie. Elle est la petite fille de Guillaume le Conquérant. Elle vient d’une famille prestigieuse et elle se retrouve mariée (à 8 ans, un détail) avec Henri (âgé de 24 ans), roi des Romains (formulation pour parler du Saint Empire Romain Germanique qui va s’étendre du royaume du Danemark (non inclus) jusqu’à légèrement plus bas que Rome grâce à Henri et Mathilde).
Effectivement, on ne commence pas du tout au Mans. L’important ici est que Mathilde devient Emperesse et qu’elle apprend toutes les ficelles du métier. Sauf qu’à 23 ans, elle est veuve, sans enfant, sans possibilité de régence et donc sans grand avenir pour elle. Peu importe, son papa s’occupe de tout et même si ça ne la tente absolument pas, elle se retrouve mariée à Geoffroy V (âgé de 15 ans). Il faut dire que le papa n’a plus d’héritier vivant, sauf sa fille (mais bon, c’est une fille), et qu’il semble que cela lui soit plus compliqué que prévu d’avoir un nouveau fils.
Bref, Mathilde est héritière et doit donc se marier pour agrandir les territoires, le prestige et tout et tout. La cérémonie se déroule au Mans, dans la cathédrale que l’on visite aujourd’hui mais qui ne devait pas avoir le même look car elle n’était pas totalement finie. De toute façon, Mathilde se moque royalement de tout ça car elle se marie et rentre chez elle.
Elle boude son mari pendant un an puis finalement elle l’aide à conquérir la Normandie et va toute seule conquérir une partie du sud de l’Angleterre et du Pays de Galles actuels prétextant une guerre de succession. Et hop, l’Emperesse devient Dame d’Angleterre et de Normandie le temps d’organiser son sacre à Londres… qui n’a jamais eu lieu. Et je parle bien de Mathilde toute seule car Geoffroy était toujours en train de se battre en Normandie. D’ailleurs, il meurt le premier tandis qu’elle continue à guerroyer puis à faire de la politique depuis Rouen.
La présence de Mathilde l’Emperesse au Mans est donc quasiment nulle. Elle refusait le terme Comtesse d’Anjou et a choisi d’être inhumée du côté de Rouen. Pourtant, sans elle, je doute sérieusement que Geoffroy ait eu tout ce qu’il fallait pour donner son nom à une grande famille, pour étendre son territoire, pour avoir un fils qui allait dirigeait le Royaume d’Angleterre, le duché de Normandie, le comté d’Anjou, le comté du Maine, le comté de Poitou et qui allait se marier avec Aliénor d’Aquitaine, à la tête du duché d’Aquitaine. Et lui, il est né au Mans, ce qui veut bien dire que Mathilde y a quand même séjourné plus d’une fois !
Avance rapide jusqu’à la génération suivante où se trouve une deuxième reine trop cool. Le petit-fils de Mathilde (et donc fils d’Aliénor, une autre reine géniale mais absolument pas au programme de cet article qui se transforme en roman fleuve) est Richard 1er, né à Oxford, roi d’Angleterre, blablabla, et surnommé Richard Cœur de Lion. Bon, il est peut-être né en Angleterre, mais en réalité, il ne parle pas anglais. Comme quoi, depuis longtemps on peut être à la tête d’un pays sans rien y connaître. Ça ne l’empêche pas d’être vu comme le gentil roi qui va sauver tout le monde dans Robin des bois. Mais là encore, je m’égare.
Richard se marie à une princesse de Navarre (du côté du pays Basque espagnol comme ne le laisse pas deviner le nom, dites moi que je ne suis pas la seule à n’avoir jamais réfléchi à ce que voulait dire roi de France et de Navarre) : Bérengère de Navarre (à lire avec de l’admiration dans la voix).
Le fiancé était en route pour la troisième croisade lorsque les fiançailles sont validées par les parties concernées et Bérengère doit voyager pour le rejoindre. Elle se déplace à travers la Méditerranée avec sa future belle-mère, Aliénor. Le mariage est célébrée à Chypre. Richard a juste le temps de conquérir l’île, de la piller et de massacrer tous les résistants avant la cérémonie. Du coup, en guise de lune de miel, il l’emmène conquérir le royaume de Jérusalem. Pendant que monsieur conquiert le monde, elle patiente. Lorsque le moment du retour sonne, elle part la première, toujours avec sa belle-mère. Et là, son boulet de mari est fait prisonnier et est retenu quelque part dans l’Allemagne actuelle. Il ne s’en est sorti que grâce aux talents de diplomatie de sa maman et de sa femme. Cette dernière gère aussi quelques soulèvements chez elle et du coup Richard va tout seul en Angleterre où finalement il meurt.
On a donc une reine d’Angleterre qui devient veuve, qui n’est plus reine d’Angleterre et qui n’a jamais mis un pied là-bas. Encore mieux que Richard, je trouve (même si je n’ai pas réussi à savoir si elle avait appris l’anglais dans son éducation de princesse). Sauf que du coup, il faut faire quelque chose d’elle et on lui offre (comprendre elle n’a pas des masse de choix) d’aller s’installer au Mans. De toute façon, elle a passé tellement peu de temps avec son mari, qu’elle n’a même pas eu le temps de tomber enceinte !
Au lieu de prendre une retraite paisible, elle gère véritablement la ville du Mans et remplit ses fonctions de comtesse que ce soit du côté des impôts ou de la justice. Elle vit dans le palais du comte (et malheureusement pas dans la jolie petite maison dite maison de la reine Bérengère). Elle crée finalement une abbaye dont le rôle est de prier pour la mémoire de la reine Bérengère. Elle y est la seule à y être enterrée. C’est à croire qu’elle avait bien compris que si elle ne s’occupait pas de sa postérité, personne ne le ferait pour elle.
Mais y a quoi dans les rues du Mans ?
J’aurai du écrire cet article la semaine suivant notre visite. Je suis sûre que j’aurai eu beaucoup de choses à dire et non juste des noms de reines. C’est la faute aux questions restées sans réponse, j’en suis sûre. Je voulais savoir ce que je ne pouvais savoir et j’ai donc oublié ce que j’ai tenté de retenir et résultat… il y avait des briques, des maisons à pans de bois, un menhir, un ours en peluche et beaucoup d’eau.
J’ai eu l’impression d’un centre historique très grand pendant la balade, mais grand comme un mouchoir de poche lorsqu’il a fallu retourner à la voiture. Je me souviens avoir pensé qu’il faudrait que je revienne plus longuement, pour sortir du centre ville historique, pour en apprendre un peu plus avant d’être sur place et donc savoir quoi regarder (ou plutôt ce que je regarde). Saviez-vous que Robert Doisneau avait immortalisé plusieurs lieux de la Sarthe, dont l’une des anciennes maisons suspendus du centre du Mans ?
Conclusion
J’avais vraiment envie d’écrire sur le Mans et je trouvais le rendez-vous En France Aussi de ce mois-ci parfaitement adapté (avec pour cheffe Claire). Toutefois face à mes photos, je ne savais que dire sur la ville alors que j’avais encore en tête les recherches que nous avons faites sur les reines de France (où il n’y a ni Mathilde, ni Bérengère, il m’a fallu un peu de temps pour comprendre qu’elles n’avaient jamais été reines de France, ni l’une ni l’autre). Pourtant j’ai sincèrement aimé cette balade, moins les pieds mouillés en fin de journée, alors n’hésitez pas à partager vos bonnes raisons d’aimer et retourner au Mans !
Ah un peu frustrant quand on visite un lieu sans aucune explication. Ça m’avait fait ça au château des Maures à Sintra alors que j’aurais adoré comprendre ce qu’il s’était passé ici.
Du Mans je ne me souviens que de la cathédrale enfant mais je sais que la ville est belle avec son enceinte romaine et qu’elle mérite le détour.
L’enceinte romaine est vraiment magnifique, le travail de restauration la met totalement en valeur !
j’avais été très agréablement surprise par cette ville,l’architecture, les illuminations le soir, les musées… j’en garde un très bon souvenir!
Il va vraiment falloir que je retourne par là-bas !
Passionnée d’histoire ici! Avec un fort penchant pour les histoires de rois, de reines ou d’emperesses de France. Alors même si la visite de Mans peut décevoir, je me suis quand même régalée de ton article!
Merci. Je ne connaissais même pas le titre Emperesse avant de « rencontrer » Mathilde, en général, je préfère l’histoire du quotidien. Mais au fil du temps, je crois que mes goûts et ma curiosité évoluent.
Je m’attendais à visiter Le Mans, une ville que je ne connais pas… mais quelle histoire ! Ton article m’a beaucoup plu et m’a donné envie d’en savoir plus sur ces reines, Le Mans attendra
Merci !
Le Mans est une jolie ville, mais je ferai un piètre guide.
Le centre historique semble bien mignon, je ne crois pas m’y être arrêtée ! 🙂
Oui, c’est très joli, avec encore quelques couleurs sur les façades et surtout beaucoup de détails sculptés.
Je sais située Le Mans sur une carte, j’ai deejà eu envie de faire un détour pour la visiter mais au final je n’y ai jamais posé les pieds … va falloir y remédier
Oui, ça vaut le coup d’y flâner !
Une belle balade dans une ville que je ne connais pas. 🙂
Une ville que je n’ai jamais visitée (je traîne rarement dans ce coin de France) alors qu’elle est sur ma liste depuis que je sais que bon nombre de films historiques y sont tournés, justement pour son vieux quartier (pardon, la cité des Plantagenêts) très bien conservé. Pas grave si on n’a pas les explications, moi j’ai bien aimé ton récit des deux reines 🙂
Je ne suis pas très films historiques et je ne savais pas que Le Mans avait servi de décor. Ce n’est pas surprenant car chaque rue est riche de détails anciens.