Je pense que mon amour pour les trains vient entre autre des trains de nuit reliant Paris à Zurich que nous prenions en famille quand j’étais toute petite. Il était alors plus simple et plus courant de prendre le train. Aujourd’hui, avec la facilité et les prix cassés des billets d’avion, prendre le train est un luxe. Un luxe financier, mais surtout le luxe d’avoir le temps.
Ça tombe bien, en voyage, je n’aime pas me précipiter. Et essayez de discuter avec un enfant, parlez-lui d’un train dans lequel il y a des lits, un train qui vous laisse sombrer dans les bras de Morphée dans un pays pour vous réveiller dans un autre. Nine en rêvait depuis longtemps.
C’était loin d’être l’horaire idéal et encore plus loin de mon budget initial. Mais peu importe, puisqu’un train de nuit nous permettait d’aller jusqu’à Amsterdam, j’allais tout faire pour le prendre.
Alors nous sommes parties, après un dîner et une petite douche, à pied jusqu’à la gare de Mulhouse. Enfin presque, mon namoureux est avec nous, il pousse le vélo où Nine a pris place dans son siège enfant. Il est 21h, l’heure du coucher de Nine. Je lui ai demandé de ne pas s’endormir, alors elle fait beaucoup d’efforts pour ne pas fermer les yeux. À la gare, je lui annonce qu’elle peut s’endormir pendant ce premier trajet de 30 minutes mais qu’elle devrait se réveiller à Bâle.
Vaillamment elle garde les yeux ouverts et parle doucement.
De nuit, le train semble s’enfoncer dans un tunnel sans fin. Les lumières à l’extérieur sont rares, les voyageurs encore plus. Et puis brusquement le bruit et la lumière nous tirent de notre douce torpeur, nous sommes arrivées en Suisse. La gare manque de bancs, mais je finis pas nous trouver un endroit où nous poser. Je donne l’autorisation à Nine de poser sa tête sur mes genoux et de dormir, ce qu’elle fait instantanément.
Le temps s’étire. Les jeunes, par grappe de filles ou de garçons, montent dans leurs derniers trains. Ils ne restent plus que des voyageurs assez élégants qui semblent un peu perdu. J’ai l’impression qu’ils sortent d’une soirée au restaurant et qu’ils sont là par erreur. Ce couple probablement à la retraite qui passe et repasse devant moi. Ces deux femmes (des sœurs) qui après avoir fait un tour se posent à mes côtés et jettent de nombreux coups d’œil à la petite qui dort.
Lorsque je suis sûre que le train est à quai, je me lève, lourdement chargée. Je ne fais que 20 mètres avant de tenter de réveiller Nine, je n’arrive pas à la maintenir dans mes bras, j’ai peur de nous faire tomber. Elle fait quelques pas, mais je doute de son équilibre et je la reprends dans mes bras. Elle est maintenant suffisamment consciente pour s’accrocher à mon cou, ce qui me suffit.
Sur le quai, plutôt que de chercher et de marcher inutilement, je demande directement aux contrôleurs la bonne direction pour trouver mon wagon. Je bafouille, mêlant l’allemand à l’anglais. Finalement face à mon billet sncf, je reçois une réponse dans un très bon français. Ah Bâle, ville germanophone où tout le monde semble bilingue.
Qu’y a-t-il de mieux dans un wagon couchette que de dormir tout en haut ? Discrètement (un voyageur est déjà allongé dans le compartiment) je me contorsionne et j’installe le lit de Nine. Elle, sans bruit, les yeux grands ouverts, elle attend de monter toute seule à l’échelle, jusqu’à son lit. Elle est heureuse d’être là, et déjà elle dort.
Je suis un peu frustrée, car chaque départ en voyage me procure une immense dose de liberté, d’énergie, de curiosité. Mais je ne vais pas sortir et laisser ma fille derrière, alors je m’allonge et regarde par la fenêtre. La nuit est partout et je ne distingue finalement que ponctuellement des quais de gares allemandes. Il ne me reste qu’à dormir.
La nuit fut longue. Et trop courte. L’ennui de la couchette tout en haut, c’est que la chute est plus longue. J’ai peur pour Nine, alors je tends l’oreille. Je dors et je surveille. J’ai conscience de chaque halte, de chaque mouvement des trois autres voyageurs présents. J’entends le contrôleur qui vient les réveiller à 5h du matin. Tous trois se font discrets pour ne pas nous réveiller. Nine ne bougera pas. Nous sommes toujours en Allemagne.
Et puis à 7h, elle se réveille. Il n’y a que nous dans le compartiment. Par la fenêtre nous découvrons les Pays-Bas. Il y a des oies sauvages ! Nous jouons un peu, nous prenons notre petit déjeuner. C’est comme un pique-nique mais dans un train et sur un lit, le plaisir d’être ici à ce moment précis doit se lire dans nos yeux.
Le train n’arrive que vers 10h à Amsterdam. J’ai donc le temps de m’offrir un café. Sur le trajet nous croisons d’autres voyageurs, ceux qui sont frais et maquillés, ceux qui semblent encore vêtus de leur pyjama. Et le contrôleur, le même qui m’a aidé au moment de monter dans le train, est là, avec son grand sourire, passant du français à l’allemand comme si je comprenais tout, pour parler de la route à venir. Car le train prend la clé des champs et part en balade dans les Pays-Bas pour éviter une zone de travaux. Il est possible de descendre plus tôt, prendre deux bus et rejoindre Amsterdam plus vite. Ou de rester dans le train et de profiter du paysage.
Alors nous profitons. Enfin, je profite. Nine a ses écouteurs sur les oreilles et mon kindle entre les mains. Elle écoute la Belle et la Bête. L’histoire est courte alors elle poursuit avec Heidi. Pendant ce temps-là, je suis debout à la fenêtre. Je cherche les oies sauvages et les moulins. Les premières sont nombreuses, les second se font rares, mais il ne m’en faut qu’un seul pour faire mon bonheur. Le monde semble immense, tout de vert et de bleu. La journée est magnifique.
L’arrivée à Amsterdam est brutale. Sans préambule, nous sommes en ville, il faut rassembler nos affaires, mettre des chaussures, se lever et sortir du train. Tout autour de nous la vie est bruyante, omniprésente. Je sers fort la main de Nine pour me diriger vers les consignes. Je ne peux m’empêcher d’être surprise par la foule et l’absence de militaire en vue. J’ai l’habitude de Paris et de sa gare du nord. Les attentats à Bruxelles ont eu lieu quelques jours plus tôt, alors bien sûr dans ce lieu, si fréquenté, je pensais les retrouver, ces militaires stoïques. Mais à la place, c’est un défilé de mode qui m’entoure. J’avais oublié l’élégance et la liberté des capitales !
C’est le moment de faire ma première photo d’Amsterdam.
Infos pratiques :
– il est préférable de réserver son train de nuit à l’avance, surtout si vous souhaitez partir le week-end de Pâques…
– chaque couchette est équipée d’un coussin, de draps et d’une couverture (à installer soi-même).
– grâce à l’espace Schengen, il n’y a aucun contrôle aux frontières (mais des contrôles d’identité sont possible), on peut donc dormir toute la nuit.
Je réfléchis à un train de nuit pour l’ascension, en tout cas, ce voyage a eu l’air long
Il faut bien regarder les horaires. Ainsi les autres passagers de mon compartiment sont montés vers minuit et sont descendus à 5h30. ça va vite, tu ne fais que dormir, le contrôleur te réveille. Par contre tu arrives tôt en ville.
Moi ce que j’aime, c’est me réveiller dans le train et avoir la possibilité de profiter des paysages, de discuter avec les gens autour de moi (absents car ils ont majoritairement choisi le bus pour Amsterdam sur la fin du trajet). Donc « long », ça dépend 😉
En tout cas si tu ne l’as jamais fait, essaye au moins une fois, rien que pour savoir ce que toi tu en penses. Ce serait pour aller où ?
Merci pour ce récit, j’ai eu l’impression de voyager avec vous ! Je vous souhaite un très beau voyage.
J’ai eu la chance de prendre un train de nuit il y a quelques années Paris-Milan. J’aime également le côté poétique du train, de sa langueur.
De même, pour aller en Irlande, pas question d’y aller en avion, trop rapide, trop brutal ! J’y suis allée en bateau, seule. Même si j’ai découvert ce que le mal de mer signifiât pas de regret. 11 ans après (ouh là là, le temps passe !), je n’en garde que de bons souvenirs.
J’aime beaucoup être dans l’avion, cette capacité technologique d’aller si vite d’un point à un autre avec un grand confort. Mais en tant que voyageuse, j’apprécie vraiment voir le paysage changer, mesurer moi-même les distances par le temps qui passe. Même si comme toi, et après plusieurs voyages en bateau, je sais que tous les moyens de locomotion ne m’enchantent pas de la même façon.
Merci pour ce récit ! Je n’ai jamais pris de train la nuit, mais j’ai adoré voyager avec vous d’autant que ton texte est extrêmement bien écrit.
Très bon samedi !
Merci.
Participer au salon des blogueurs voyage m’a remis en tête d’écrire avant tout ce que j’aime lire et écrire.
Ici aussi nous aimons beaucoup prendre les trains de nuit… C’est souvent pour descendre dans le sud de la France, c’est magique de se réveiller et de voir la mer par la fenêtre 🙂 Nous avons également pris une fois le train de nuit entre Paris et Venise, un voyage à faire au moins une fois… La sortie de la gare de Venise, sur le Grand Canal, est inoubliable. Merci pour ce joli partage d’expérience !
Celui arrivant à Venise me tente bien. J’aime beaucoup celui allant jusqu’à Rome, car il arrive en début de matinée mais pas au petit matin et tu prends donc ton petit déjeuner en regardant la Toscane défiler devant tes yeux. J’adore.