L’amitié en voyage

Je fais partie de ceux pour qui l’amitié est quelque chose de compliquée. Alors imaginez ce que cela devient quand on voyage souvent, quand on est nomade pendant 1 an 1/2 puis que l’on s’installe dans une ville où l’on ne connaît personne.
J’ai deux amies, une troisième en devenir je pense. Mais ces deux amies sont nulles en matière d’informatique, elles répondent peu aux mails, je n’ose leur parler de skype. Elles sont douées pour choisir des salons de thé, parler de livres ou de tricot.

Voyager ne me laisse pas seule pour autant. Je discute assez facilement avec n’importe qui. J’ai passé d’agréables moments avec une italienne à Cefalu dans le cadre d’un tandem de langues. Mais en quittant Cefalu, nous n’avons pas gardé le contact et ça me va très bien. Il y a aussi ces incroyables discussions tant à Athènes qu’à Manchester avec nos hôtes couchsurfing. Nous échangeons une carte pour Noël et un ou deux mails dans l’année. Et puis ces rencontres d’une demi-heure ou une heure, des discussions dans la rue, dans des cafés, des gens dont j’oublie les noms mais ni les mots ni le cadre de notre échange.
Ce qui me manque ? Pouvoir aller dans un joli salon de thé pour parler de tout et de rien. Pourtant lors de mon passage à Paris l’une de mes amies avaient du temps pour ça et c’est comme si je n’étais jamais partie. Alors ça me va. Et lors de mon passage à Nantes chez la seconde, les salons de thé étaient trop loin mais un feu de cheminée peut apporter tout autant de réconfort à une bonne discussion.

Et puis la semaine dernière je suis allée me promener avec Nine. Trois jours et deux nuits que nous avons partagé avec Laurence et son fils Sacha qui a presque exactement le même âge que Nine. Et deux soirs de suite je l’ai vu pleurer. Le dernier soir, en comprenant que nous partions le lendemain. Puis au moment de se coucher une fois rentrée chez nous alors que nous faisions le bilan des trois jours passés.
Jusqu’à présent Nine jouait puis quittait ses camarades de jeux sans aucun soucis. Sans même connaître leur nom. Sans toujours pouvoir dire à quoi ils avaient jouer. Mais elle grandit et veut des amis. Des copains pour jouer, courir et grimper. Et des amis, ceux qui nous donnent notre équilibre. Du moins c’est ainsi que je le vois. Les amis sont ceux qui nous font sentir bien et normal (même si leur normalité n’est la notre), dans un monde où la mise au ban est rapide. Ce monde est le même dans un parc rempli d’enfants ou dans un bar rempli d’adulte.

Nine ne manque pas de copains pour jouer, elle a toujours su trouver quelqu’un avec qui vendre des pizzas en Sicile, faire de la cuisine en Angleterre, se balancer ou grimper dans n’importe quelle aire de jeux. À chaque départ, elle était souriante, même si en face, les enfants plus grands avaient le coeur serré et lui confiaient des trésors inestimables.
Aujourd’hui elle grandit, et son coeur se serre, malgré la promesse de rendez-vous sur skype (au moins elle n’a pas trouvé un ami anti-technologie, elle). Elle a offert une carte au trésor. Elle a reçu un caillou magique.

Voyager c’est apprendre qu’il y a des personnes que nous aimons même si nous sommes loin. Les amis sont ceux que nous avons envie de voir même si le moment du départ donnera envie de pleurer. Une leçon que j’ai appris en quittant l’Australie il y a 14 ans. Une leçon que ma fille a découvert la semaine dernière.

Sacha et Nine devant l'un des gardiens de la forêt à la sortie de Betschdorf
Sacha et Nine devant l’un des gardiens de la forêt à la sortie de Betschdorf

P.S. : que l’on se rassure, les larmes sont passées. Maintenant elle s’intéresse au drapeau de la Belgique (Sacha est Belge), raconte comment ils ont partagé un parapluie et a opté pour une nouvelle boîte pour ranger ses cailloux afin d’y faire entrer le caillou magique.

18 commentaires Ajoutez les votres
  1. Ne m’en veux pas du choix de l’adjectif mais ce qui m’est venu en tête c’est « elle est choupinette ». Oui, choupinette. J’espère qu’elle ne pleurera plus !

    1. Mais je suis aussi d’accord, c’est tellement mignon. Et normal car ce n’est pas réserver aux enfants. D’un copain je n’ai pas envie qu’elle pleure, d’un autre c’est une bonne chose de pleurer pour un ami.

  2. Les enfants s’adaptent hyper rapidement, idem pour Fiston lors de nos voyages il trouve toujours quelqu’un pour s’amuser entre eux il n’y a pas de barrière de langue c’est top !

    1. Trouver quelqu’un pour jouer est aussi très facile pour Nine, je ne sais pas comment elle fait. Maintenant qu’elle a conscience des différences de langues c’est parfois un peu plus compliqué mais ça ne va pas l’arrêter non plus.

  3. En même temps la mienne ne bouge pas, va pour la 3ème année dans la même école et des fois j’ai l’impression qu’elle n’a pas vraiment d’amis, au sens où même si elle joue avec un cercle d’enfants (les même noms reviennent régulièrement), elle n’a pas pas de préférence et pas d’attachement profond. Elle m’a me fait mal au cœur ce week-end quand son papa parlait de je sais plus qui (dans une histoire il me semble) en disant « et du coup il a du mal à se faire des amis » et spontanément et sur le ton de l’évidence elle a dit « ah oui, comme moi »

    1. Je suis comme ta fille, depuis toujours avoir des amis est quelque chose de compliqué et laborieux. Des copains pourquoi pas, discuter avec des inconnus ok, tisser des liens, pffff ! Mais j’ai aussi fini par apprendre qu’on n’avait pas besoin d’avoir pleins d’amis pour être bien.

      1. Je ne veux rien savoir… L’autre jour j’ai fait ma première conversation en visio (sur le tel donc) par inadvertance : heureusement, c’était avec mon répondeur…

  4. Quand nous étions au Laos au printemps dernier nous avons croisé une famille française et ça a tellement cliqué que nous avons voyagé pendant 3 semaines avec eux. Nous nous sommes séparés à Hanoi parce qu’eux retournaient en France alors que nous poursuivions notre tour du monde. Au diner, après avoir quitté les Turboult, notre petite Juliette (la 3e) s’est mise à pleurer spontanément, puis ça a été au tour de Louis (le 2e), puis tout le monde avait la larme à l’oeil… Les Turboult nous ont dit que c’était la même chose pour eux dans l’avion! 3 semaines auparavant on ne se connaissait même pas et là c’était une séparation très difficile… On a eu la chance de vivre de belles aventures ensemble et on espère bien les revoir un jour!

    1. C’est génial une telle rencontre qui marche pour toute la famille ! Vos routes finiront bien par se recroiser, il faut juste être patient.

  5. Merci pour ce bel article.

    J’ai aussi eu beaucoup de mal à faire des amis/amies. Ce n’est pas évident… Mais mes amies proches et mes copains moins proches ont appris à faire avec mon instabilité et ma distance. Après il est tellement difficile de se sentir normale… Ces rencontres sont rares… Mais elles existent ! Et ça, c’est beau. Pour Sacha, Nine fait désormais partie de sa famille aussi puisque c’est son amie. Et pour lui, la famille c’est sacré. Je suis heureuse pour eux.

  6. J’aime beaucoup ton article, tant le sujet traité que ta façon d’écrire. 🙂 Et pour moi aussi, c’est quelque chose de compliqué, alors je comprends. Je suis très entourée mais de façon superflue. Mais véritables amis, je les compte sur les doigts d’une main, et encore. Mais ils valent tous les autres réunis. 🙂

    1. Merci du compliment.
      Je suis contente de lire que je ne suis pas la seule à trouver l’amitié compliquée, c’est rassurant quelque part.

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