Voyage en langue inconnue

En ce moment je suis un cours très intéressant sur le rapport entre la culture et la langue. Tandis que certains chercheurs définissent la culture selon le lexique d’une langue (expliquant pourquoi les inuits ont beaucoup de mots pour dire neige et pas le français), d’autres prennent de la distance, la culture ne pouvant être totalement incluse dans la langue.
Je me suis alors rendu compte que la liste des pays que je souhaite visiter ou plutôt celle des pays que je ne souhaite pas visiter est totalement influencée par une question de langue locale. Je n’ai jamais ressenti aucune affinité avec l’espagnol et donc lorsque j’envisage mes prochains voyages, mes projets ne s’approchent jamais de l’Amérique du Sud. Une première impression que j’arrive à faire disparaître en prononçant les noms Valparaiso et Ushuaïa, enfin la plupart du temps. Car c’est une impression tenace et omniprésente.

Mon esprit est capable de trouver tout une liste d’arguments convaincants.

Prenons Moscou (j’adorerai prendre un thé russe, servi dans un samovar) et le russe par exemple. Voici une langue que je n’arriverai jamais à parler ! J’ai essayé la méthode assimil sans jamais dépasser la leçon 1. Tout le temps où j’ai séjourné au Kirghizstan, je n’ai su différencier [merci] et [au revoir], me raccrochant au kirghize (que très peu de monde connaît à Bichkek, capitale du pays).

Je ne peux pas envisager d’aller en Russie. Comment pourrais-je trouver un hôtel à Moscou ? Et j’utilise le mot « trouver » illustrant merveilleusement bien les différentes liens qu’un voyageur a avec son hôtel. Il faut le choisir et il faut réserver. Internet fait des merveilles, mais je me retrouverai coincer dans un hôtel pour touristes occidentaux (admirez cet argument totalement contradictoire : regretter de ne pouvoir rencontrer des Russes parlant russe). Et une fois sur place, dans la ville, il faut aller jusqu’à l’hôtel, prononcer son nom, celui de la rue, se frayer un chemin, se faire arnaquer par un taxi, avoir la sensation d’être en maternelle, sans aucun moyen de donner un sens quelconque aux étranges caractères qui pourraient me simplifier la vie.
Il en irait de même pour les musées, les restaurants et mon rêve de samovar pourrait virer au cauchemar.
Appréhender la culture russe ne me semble possible que par le biais de la langue, que mon cerveau refuse d’intégrer.

Mais de temps en temps, à l’occasion d’un chocolat chaud partagé la semaine dernière avec une amoureuse de Moscou, en repensant aux photos d’une blogueuse qui non seulement ne parle pas russe, mais en plus a peur de l’avion, je me prends à rêver. Après tout, j’ai passé un mois au Kirghizstan, en ne connaissant à l’arrivée absolument aucun mot des deux langues en vigueur dans le pays. J’ai été dans l’incapacité total de comprendre l’anglais des Malaisiens. Et avec un peu de bon sens, ou plutôt avec une bonne vue, j’ai réussi à m’orienter au Japon (où deux cartes sont indispensables : une en anglais et une en japonais, pour superposer les deux mots et repérer autour de soi les petits dessins de la version japonaise).

Je n’en suis qu’au début de mon cours et je n’ai absolument pas la prétention de trancher la question de la culture et de la langue. Cependant je me dis que ce serait vraiment dommage de se priver d’une culture sous prétexte de ne pas en maîtriser la langue. Et qui sait, peut-être qu’une fois sur place, je me découvrirai une passion pour le russe ou l’espagnol.

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