Un peu de vie dans vos langues étrangères

Je vous en ai déjà un peu parlé, cette année je donne des cours d’anglais à une petite fille en moyenne section de maternelle. C’est une demande des parents (qui l’imaginent déjà bilingue), et une heure par semaine, elle abandonne son apprentissage de la lecture et du calcul pour l’anglais en ma compagnie.
En ce moment je fais face à une énorme démotivation de sa part et au bout de 15 minutes elle n’en peut plus. J’envisage bien d’y voir l’arrivée des vacances prochaines car un de mes élèves en 4e est à peu prêt dans le même état. Mais le problème est ailleurs et j’en suis presque convaincue quand je compare avec mes autres élèves qui apprennent le français tout en résidant à Paris.
L’un comme l’autre apprennent l’anglais car ils y sont obligés, par leurs parents ou par le système scolaire. Ils n’ont pas leur mot à dire et passés les premiers mois où la nouveauté est fascinante, la lassitude s’installe.

Ma petite élève ne sait pas ce qu’est l’anglais. Elle ne saisit pas ce qu’est la France. Son univers se limite aux quelques kilomètres qui entourent sa maison et son école. Elle ne me croit pas quand je lui explique que certaines personnes ne parlent rien d’autres que l’anglais. Mon collégien n’a jamais quitté la France et ne s’imagine pas une seule seconde utiliser l’anglais en dehors d’un contrôle sur les verbes irréguliers.

Dans un dossier intitulé « comment motiver les apprenants », les auteurs considèrent – à juste titre – que « pour trouver un vrai plaisir dans l’apprentissage de la langue, il faut que [les élèves] l’apprivoisent par les sens (l’odorat, la vue, le toucher, l’ouïe et le goût) ». Je fais de mon mieux, je varie les supports, j’organise l’apprentissage autour de leurs centres d’intérêt (le coloriage pour l’une, les animaux pour l’autre), j’utilise des chansons, des recettes, des jeux…
Mais un prof, même particulier, ne sera jamais suffisant pour permettre à un élève, quelque soit son âge, de se débrouiller correctement dans une nouvelle langue. Les parents doivent s’impliquer, les enfants doivent prendre des initiatives et ensemble il leur faut mettre du concret sur ce que les leçons apportent ! Si eux même n’ont pas envie d’aller dans un pays anglophone (ce qui me semble contradictoire avec leur démarche auprès de l’enfant mais c’est un autre problème), il est possible de partir en séjour linguistique à partir de 7 ans.

Je multiplie à chaque leçon les suggestions, pas sûre de jamais faire mouche, mais je m’entête dans l’espoir de responsabiliser un peu les parents et de décomplexer les enfants. Pour apprendre une langue étrangère, il faut avoir conscience viscéralement qu’elle est parlée !
En voyage en famille, en séjour organisé, en franchissant le seuil d’une librairie ou épicerie étrangère, en échangeant avec un correspondant, en regardant des films en VO, en savourant des pancakes, en imitant Mickael Jackson… Le voyage a le mérite d’activer les cinq sens, de submerger l’élève, de lui faire prendre conscience de tout ce qui lui manque et de tout ce qui lui fait envie. Et puisque l’objectif de beaucoup est de permettre à leur enfant de devenir bilingue, un premier voyage de quelques jours est une bon moyen de donner envie de partir en immersion pendant 6 mois à l’adolescence.


Alors je m’énerve un peu plus à chaque leçon, car si le collégien vient de remarquer qu’il y a pas mal de mots en anglais dans l’argot qu’il utilise ainsi que dans ses jeux vidéos, ma toute petite élève a atteint les limites de l’apprentissage sans objectif. Je continue à y aller chaque semaine, avec de moins en moins de plaisir, ses parents m’expliquant qu’ici personne ne parle anglais…

C’est pourquoi aujourd’hui je n’apprends pas l’anglais à ma fille. Je n’ai aucune utilité concrète à lui proposer pour cette langue. Pas avant probablement une dizaine d’année. Aucun pays anglophone n’est sur notre liste de prochaines destinations.
Et pourtant j’adore l’anglais, je prend plaisir à parler cette langue et à l’enseigner (même si je préfère enseigner le FLE, mon « vrai » boulot). On ne cesse de nous dire que les enfants apprennent mieux quand ils sont petits sans aucun fondement à cette affirmation (les études prouvent qu’ils apprennent différemment pas mieux). Et l’anglais devient une matière scolaire, synonyme de réussite professionnelle future, là où elle devrait être un moyen de communication pour aller à la rencontre d’autres cultures, un outil de compréhension (pour écouter de la musique sans passer pour un idiot par exemple).
Avant de voyager, je connaissais quelques verbes irréguliers et le nom de toutes les conjugaisons possibles. Aujourd’hui, j’ai besoin de quelques minutes pour me rappeler ce que veut dire « present perfect » mais je n’ai aucun mal à lire des livres de pédagogies publiés uniquement en anglais.

Mettez un peu plus de vie dans votre apprentissage !

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