La fois où nous pensions aller vivre en Chine

La destination que je tenais secrète était la Chine, le Hunan plus précisément, région d’origine de Mao. Au milieu de nul part, pas vraiment touristique. Nous avons rêvé pendant presque trois mois maintenant c’est fini. Je n’y ai gagné que de nouvelles connaissances en géographie et une sacré baisse de morale.

Le 31 juillet j’ai eu un entretien, puis le soir même le résultat. Enfin un poste de professeur de FLE, dans un pays sympa. Après des entretiens pour des écoles à travers toute la planète, nous sommes ravis. Par contre petit défi de départ, on nous demande de fournir tous les papiers très rapidement pour être sur place le 24 août pour assister à une réunion entre profs.

Parc naturel de Zhangjiajie dans le Hunan – crédit photo : Aurélien Billot (cliquez sur la photo pour lire l’article d’origine)

Avoir un visa de travail en Chine nécessite une sorte de graal : un papier demandé par l’employeur auprès du gouvernement chinois, dont on doit présenter l’original à l’ambassade. Commence alors de longs échanges de mails.
J’envoie tout ce qu’on me demande, mais chaque semaine on me réclame quelque chose de nouveaux. Rapidement je découvre que mon futur employeur n’a jamais recruté de famille. Il y a les demandes absurdes comme « scanner de nouveau ce papier car à l’impression il est trop foncé ». Il y a l’absence de logique. Alors que j’ai proposé de tout traduire en anglais, on m’a assuré que ce n’était pas nécessaire. Bien entendu, ils ont fini par devoir traduire eux-même certains papiers pour « gagner » du temps.

Rapidement, on sait tous que je n’y serai pas le 24 août. Peu importe, la rentrée est le 1er septembre. Puis j’obtiens l’autorisation d’arriver après la rentrée. Début septembre on me dit « dans trois semaines ». Puis encore « mi octobre »…

Pendant ce temps là, nous rendons l’appartement que nous avions, mon namoureux ne renouvelle pas son contrat pour le mois de septembre. Nous nous installons chez mes beaux-parents en région parisienne pour être proche de l’ambassade, ne pensant y rester qu’une ou deux semaines.

La ville de Fenghuang dans le Hunan – Crédit photo : Amélie de Voyagista (cliquez sur la photo pour lire l’article et voir d’autres photos)

Les contacts avec l’université s’espacent. Je commence à douter. Nous sommes tous à cran, regardant notre compte en banque diminuer sans rien pouvoir y faire. Nous avons dépensé quelques euros pour ce départ qui s’éternise. Certaines remarques ne nous aident absolument pas (vous connaissez tous le tact dont les proches savent faire preuve).
Je tente de faire bouger les choses en envoyant un mail pour avoir une date précise, définitive. Et là, silence radio. Le mari d’une amie, chinois parlant chinois, propose de téléphoner pour nous. On lui répond « 1er novembre » mais il faut encore envoyer un papier (une haute définition de mon passeport…). J’obéis.

Deux jours plus tard, la mascarade prend fin : « c’est dommage que nous ne puissions travailler ensemble, bonne continuation ».

La cascade de Furong dans le Hunan – Crédit photo : Amélie de Voyagista (cliquez sur la photo pour lire l’article et voir d’autres photos de cette ville)

Voilà, c’est fini. Comment expliquer à Nine, qui est capable de situer la Chine sur une carte, que nous n’irons plus en Chine. Elle me répond que sa valise est prête, qu’elle a donné certains jouets pour y aller. Alors si on ne va pas en Chine, on part où en voyage, demande-t-elle ? En Italie ?

Je me sens vidée. Je le suis, d’avoir donné tant d’énergie, tant d’espoir dans ce projet. Nous devions y rester deux ans.
Je m’en veux d’y avoir mis tant, d’énergie, d’argent, d’espoir. Je n’ai plus rien. En tant que prof, les seules offres d’emploi qui passent sont pour la rentrée de janvier 2015. Janvier ! De toute façon, d’ici là, nous n’aurons plus un centime pour nous payer un billet d’avion, alors je ne parle même pas d’un logement sur place.
Je me sens perdue quand je cherche à nous organiser une vie en France, pour limiter les dégâts. Il nous faut un logement, et pour cela il faut des fiches de payes, des contrats de travail. Or pour trouver du boulot, il faut une adresse. Je n’ai aucune envie de rester en région parisienne où les prix sont scandaleux. Nous rêvons de Clermont-Ferrand qui nous a séduits au printemps dernier. Mais comment remet-on pied dans la vie française quand on n’a plus rien, même plus vraiment la force de le faire ?

La chute est dure. On tombe de haut. Difficile de rester optimiste, de croire qu’il y a une meilleure place pour nous ailleurs, qu’avec notre expérience nous saurons rebondir. J’ai bien plus l’habitude des galères que de la vie tranquille et ça m’use de plus en plus. A regretter de vouloir voyager, à détester ne pas être capable de rentrer dans le moule en fermant ma gueule. A m’en vouloir d’avoir donné ce goût de l’ailleurs à ma fille.

Nous n’irons pas en Chine. Et pour nous relever, il va falloir du temps. Et pour repartir il va falloir bien plus que du temps. Jusqu’à présent je n’ai jamais fait aucun voyage par chance. Cette fois-ci, j’aimerai bien qu’on m’en donne un peu, de la chance. Juste un peu.

37 commentaires Ajoutez les votres
  1. Ca me fait de la peine de lire ton ressenti. Je pensais que c’était une décision prise par votre couple, et non un coup de couteau de la part de l’établissement. Surtout que WQ m’avait dit que normalement, ils n’oseraient pas revenir sur leur parole. Comme d’habitude, je ne pense pas être la personne capable de remonter le moral des autres (je suis moi-même souvent au fond du trou) mais je pense que parfois, dans la vie, il faut simplement se dire que « ce n’était pas pour nous » ! Vous auriez peut-être connu plus d’emm. à partir vivre là-bas (et surtout, travailler avec ces gens) que celles que vous connaissez actuellement, qui sait. Pour ce qui est de la vie en France, nous sommes aussi en région parisienne, et par conséquent, nous pouvons p-être vous donner un coup de main (dans la mesure de nos possibilités) ?
    Et pour Nine, c’est une chose merveilleuse qu’elle ait le goût du voyage ! Il faut simplement lui expliquer que pour le moment, ce n’est pas possible mais qu’un jour viendra où vous repartirez. En attendant, elle peut rêver à de prochains voyages, écrire un journal, regarder des documentaires… elle est jeune ! Elle a tellement de choses à découvrir, même ici en France. De mon côté, je vais voir si je peux lui trouver des petites choses pour sa chambre. Courage ! C’est dur mais c’est le sel de la vie qui permet d’apprécier le goût sucré.

    1. Pour moi la signification de leur dernier mail ne faisait aucun doute. On en avait ras le bol d’être baladé d’un côté et de l’autre, donc on est soulagé de ne plus être dans l’attente. Mais ça n’en laisse rien de moins qu’une situation difficile.
      On va bien trouver autre chose, mais l’envie manque pour se bouger les fesses.
      Merci de votre soutien à tous les deux en tout cas.

  2. Je crois, comme Oh! baobao, que quand un projet ne se concrétise pas c’est que ce n’était pas notre route. Et qu’il y a bien mieux qui se profile pour nous.
    Là, maintenant, aujourd’hui, c’est peut-être difficile d’y croire parce que tu es dans le low de la déception et de la fatigue de ces procédures qui se sont éternisées. Mais demain, autre chose de top se présentera. Ou tu te présentera à autre chose de top. Et ce sera ce que vous deviez faire. Ce qui se concrétisera. Et vous vous direz « Si on était aller en Chine, on serait passé à côté de ça ! »
    Aller courage !

    1. Merci beaucoup, on prospecte, on invente notre monde pendant des heures, on perd espoir, on se ressaisit, on délire, bref, on continue.

  3. Désolée de ce triste dénouement.
    J’espère que vous allez vite retomber sur vos pieds et que cette période maussade sera derrière vous en 2 temps 3 mouvements.
    Courage !

    1. Nous sommes surpris du soutien qui nous entoure, pas du tout où l’on pensait éventuellement le trouver. Alors quelque chose de bien va forcément en ressortir (mais quand…)

  4. J’aimerais pouvoir vous dire que c’est sûrement pour un mieux et que de belles choses vous attendent encore, différentes, et que la Chine vous ouvrira ses portes à un autre moment. C’est certainement ce que vous vous direz dans quelques semaines ou mois. Le temps que vous digériez cette désillusion. Je peux seulement aujourd’hui vous envoyer des pensées positives pour vous soutenir. Prenez le temps qu’il vous faut pour vous relever… Ces moments sont difficiles, davantage quand on a un petit bout. Bon courage !

  5. Et merde 🙁 J’avoue ne pas savoir quoi dire, si ce n’est que je suis désolé, c’est moche.
    Évidemment, à part les rabats joie donneurs de leçons, les « on t’avait dit », tout le monde conseille de voir plus loin, de rebondir, c’est vrai, mais reconnaissons que ça n’est pas toujours facile de trouver l’énergie nécessaire et tu as raison, pour une fois, la chance serait vraiment la bienvenue. Alors bon courage et bonne chance !

    1. « la chance ne sourit pas à ceux qui lui font la gueule » chante la Rue Ketanou, alors on essaye de retrouver le sourire et ensuite on verra. Merci beaucoup de ton message.

  6. Je ne sais pas quoi dire sinon « courage ». Je partage l’avis de certaines personnes qui ont déjà commenté : si ce projet s’est arrêté, c’est que quelque chose de meilleur prendra sa place. Mais je comprends que ce soit difficile dans l’instant, avec un rêve qui prend fin et une énergie qui a disparu dans ce rêve. A-t-elle vraiment disparu, demain quand tu rebondiras (et je penses que tu rebondiras), ce sera bien avec une énergie puisée dans tes expériences passées, dont celle-ci ! Bon ok je suis pas très bien placé pour parler de tout ça, je m’arrête là. En tout cas, je t’envoie des pensées positives !!! A bientôt.

    1. Et du coup, l’Europe de l’Est revient dans les discussions. Aucune idée d’où nous irons, l’avantage est que nous avons encore le monde entier à découvrir.
      Merci de ton passage et de ton soutien

  7. Ça m’attriste pour vous! Je comprends votre deception devant tant de persévérance et d’espoire. Maintenant il est trop top pour savoir si ce qui vous arrive est une bénédiction ou un malheur. (Cf.L’histoire du pauvre paysan chinois et de son cheval blanc de Lao Tseu)
    Reste forte! Bises

  8. Cela faisait plusieurs jours que j’essayais d’aller sur ton blog mais ça ne fonctionnait pas. En réessayant aujour’hui je suis dirctement allé lire cet article que j’avais vu passer sur Hellocoton sans pouvoir y accéder. Je vous souhaite beaucoup de courage pour vous remettre de cette déception et pour remonter la pente rapidement. nous avons eu quelques sueurs froides avant d’arriver finalement de Singapour à la Californie et avons bien cru que nous allions devoir rester en France (dans une situation financière problématque aussi). Alors je me rends compte de ce que vous devez traverser et à quel point cela doit être difficile, surtout avec votre petite. Je vous envoie plein de bonnes ondes positives pour que la chance tourne et que cette fois un autre projet d’ailleurs se présente et se concrétise.

    1. C’est bizarre tu n’es pas la première à me dire avoir eu des soucis pour te connecter à mon blog mais de mon côté je n’ai rien vu. Du coup je ne suis pas sûre de pouvoir y faire quoique ce soit.
      Merci pour toutes ces ondes positives. Ce soir une nouvelle idée m’est venue, on va voir si ça débouche sur quelque chose.

  9. Courage à toi… pas facile de passer à autre chose quand on a mis beaucoup d’énergie dans un projet et qu’il tombe à l’eau. Je vous envoie plein de pensées positives et j’espère que vous trouverez vite un nouveau projet dans lequel vous investir.

  10. Bonjour,

    Je lis ton article quelques mois après la publication de cette triste nouvelle mais malheureusement cela arrive assez souvent.
    Il est de plus en plus dur d’obtenir un visa travail pour la Chine et je connais de nombreuses personnes qui ont vu leur rêve d’expatriation tomber à l’eau à cause de problème d’administration.

    En tout cas cela fait plaisir de voir que tu continues de découvrir de nouveaux lieux et de partager tes impressions.

    Si par hasard tu passes un jour en Chine, n’hésite pas à me contacter : -)

    1. Merci, c’est toujours agréable de savoir que nous ne sommes pas les seuls à vivre une telle déception. Pas de voyage en Chine prévu pour le moment, mais nous sommes de plus en plus calés sur le sujet puisque ma fille de 3 ans ne cesse de vouloir en savoir encore et toujours plus sur le pays.

  11. La Chine est un continent de contrastes, c’est à la fois la tradition et une course effrénée à la modernité, des paysages somptueux et encore méconnus des occidentaux et des endroits hyper pollués, une grande sécurité dans la vie quotidienne

  12. Oh la la! Je découvre seulement maintient cet épisode douloureux de ta vie.
    Je me sens hyper connectée à ces émotions et au sentiment de perte d’énergie et perte de foi.
    Nous avons traversé à répétition des changements de plans non désirés (voyage annulé pour cause de mononucléose, retour du pèlerinage à Shikoku pour raison de santé, retour des USA anticipe, projet d’expatriation au Japon mis à l’arrêt par le covid et maintenant menacé par la découverte d’une anomalie génétique qui le place à haut risque de cancer du sein et des ovaires nécessitant un suivi tous les 6 mois et une-des opérations d’ici 5 à 10 ans…). Bref, ces dernières années on a trop cumulé les déceptions et voyages teintés de sentiment d’échec. Chose sinon n’avait jamais connu avant… Incertitude totale, réflexion intense sur nos valeurs, ce que l’on veut mettre au centre de notre vie, tout en devant penser au côté financier (sans même parler du covid!). Bref, perdus dans le brouillard, mais j’essaye de me focaliser sur l’icône et maintenant, à défaut de pouvoir construire pour le moment, et de focaliser mon énergie sur ce sur quoi j’ai de la maîtrise et lâcher prise sur le reste…

    1. Je t’envoie énormément de soutien. Et je suis disponible si tu souhaites en discuter plus (ou discuter d’autres choses) en privé. Quand nous sommes arrivés en Alsace, j’avais eu un message d’une maman qui était passé par là avant moi (comme quoi les changements de plan et les vies à réinventer sont courants) et ça m’avait fait beaucoup de bien.

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