« Offre de volontariat : professeur de FLE pour des cours et animations à des enfants dans des villages du Kirghizstan. Local : dans une yourte. Logement : chambre d’hôte touristique. Date : été 2011. »
Une offre qui m’a fait rêver pour un seul mot « yourte ». Une offre qui ne correspondait en rien à la réalité. Je ne connaissais rien à l’Asie Centrale. Je ne savais situer le Kirghizstan sur une carte que depuis que j’avais lu cette annonce publiée.
L’un des voyages les plus durs de ma vie. L’un des paysages les plus envoûtants.
Nous étions deux à partir dans les villages, tandis qu’une petite dizaine de volontaires français restaient enseigner à la capitale, Bishkek. La mission était organisée conjointement par l’Ambassade de France et l’Université d’Asie Centrale. Cette dernière nous a donc accueilli dans ses locaux à notre arrivée. Étrange rencontre. Notre interlocuteur est surpris que nous ne parlions pas russe, que nous n’ayons pas d’ordinateur portable, que j’ai envisagé l’idée d’apprendre le kirghize.
Les habitants de At-Bashy et Kyzyl-Dobo nous sont décrits comme arriérés, illettrés et simples d’esprit. Nous sommes présentés à tous les employés présents et tous nous accueillent comme des héroïnes partant civiliser les sauvages. On nous remercie, on nous parle de courage. Malaise.
Nous, c’est Orelie et moi-même. Deux jeunes femmes avec un sac à dos trop petits, trop légers aux yeux des autres volontaires. Nous avons toutes les deux déjà effectué des missions de volontariat en Afrique. Nous avons déjà enseigné, elle comme prof des écoles, moi comme prof de FLE. Nous avons dans nos bagages des crayons, de la peinture et en tête le projet de tenir un carnet de voyage.
Et puis finalement, après une journée de route, les yeux grands ouverts, nous sommes passés d’un coin à l’autre du pays. La réalité commence à s’imposer. Non pas la réalité fantasmée des bureaucrates d’origine russe vivant à Bishkek, la réalité des villages dissimulés à travers le pays, que google map ne sait localiser. Ce premier restaurant vraiment kirghize, l’inconnu dans l’assiette, le goût du mouton. Comme dans les livres, comme dans le récit d’Ella Maillart, Des Monts Célestes aux sables rouges.
Je voyage avec son livre dans mon sac. L’une des professeurs de français avec qui je travaillerai m’exprimera sa fierté d’avoir été l’enseignante de celui qui traduisit Ella Maillart du français vers le kirghize. Lorsque le récit m’offre de longues heures de marche dans les Monts Célestes (dit les Monts Tian en français), je les vois là, à ma droite, quand je vais de la maison aux toilettes. Et même face à moi quand je sors des toilettes. Les Monts Célestes. Et derrière, la Chine. Et dedans des léopards de neige. Je me contenterai de les observer, des les fantasmer.
Le russe, omniprésent à Bishkek, et pour lequel je n’ai absolument aucune affinité, disparaît. Il ne reste plus que le kirghize, si difficile à prononcer. Est-ce sa rareté ou ses sonorités qui me donnent envie de l’apprendre ? Dans ma première « maison » d’accueil, ils sont deux, une femme professeur de français et son père. Ce dernier ne parle que kirghize. Dans ma deuxième « maison » d’accueil, ils sont cinq, les parents et leur trois enfants. La mère ne parle que kirghize. Comme je regrette de ne pas avoir appris le kirghize, d’avoir suivi les conseils bien pensant de mes interlocuteurs ne voyant rien d’autre que le russe. C’est grâce à cette deuxième famille que j’entre dans une yourte pour la première fois. Ils ont une belle maison en brique, et dans la cours, la yourte. Lieu de vie principal, primordial, traditionnel et confortable.
Difficilement, je deviens professeur, assise dans un coin sans le droit de parole dans une première école. Face à une classe en compagnie d’Orelie tandis que le professeur en charge nous ignore. Lui homme, nous femmes. Le monde adulte, le monde officiel ne semble pas avoir de place pour nous. Heureusement il en va bien différemment des enfants, qui nous prendront par la main pour nous faire découvrir leur village !
Découvrez tous mes articles sur le Kirghizstan ici et d’autres photos sur facebook là.
Cela a dû être une expérience extraordinaire…
« extraordinaire » je ne sais pas. Mais « unique » oui, très certainement.
waouh quel voyage !!
C’est encore ce que je me dis quand je regarde mes photos !
Alors, comment as-tu fait pour devenir professeur, malgré tout ? Et comment as-tu fait pour communiquer avec ceux qui ne parlaient que kirghize ?
En classe, je sais communiquer avec les élèves puisqu’ils sont là pour apprendre et que j’ai pas mal de support.
En dehors, je me suis sentie très seule. Car il y avait une barrière linguistique et une barrière culturelle qui fait que personne n’avait vraiment envie de discuter avec nous.
Tout ça me rappelle mon voyage au Kazakhstan, bien que je pense que le Kirghizstan soit différent ! Ce qui est génial avec ces pays, selon moi, c’est le caractère authentique ! En tout cas, un belle expérience que tu décris ici 😉 Du coup je vais prendre le temps de lire les autres articles sur ce thème que je n’avais pas lus !!!
Les autres articles sont plus courts car écrits sur place. Mais il y a pas mal de photos à découvrir.
C’est un très beau récit que tu nous livres là. C’est touchant et effrayant à la fois. Une belle expérience de vie.
Et waw, quelle vue à la sortie des toilettes !! 😀
Merci. J’adorai la vue des toilettes. J’étais juste un peu stressé par un chien « méchant » pour oser m’attarder.
J’ai encore tellement à raconter sur ce voyage, que je tenterai peut-être un autre billet.
Bon, moi non plus je sais pas situer le Kirghizstan ! 🙂
J’ai jamais été dans un pays qui n’ait pas de l’anglais dans sa langue, ça doit être sacrément déstabilisant au quotidien !
A Bishkek il était assez facile de trouver un interlocuteur francophone ou anglophone. Dans les villages, heureusement que j’étais professeur car les élèves avaient vraiment envie de communiquer avec nous. Mais du coup les contacts avec les adultes étaient inexistants malgré mon apprentissage de quelques mots en kirghize.
Quelle aventure…
(Et je me rends compte que je connais deux personnes qui sont allés faire du FLE au Kirghistan… c’est fou sachant que je ne suis pas bien sûre de le placer correctement sur une carte. Enfin, tu dois connaitre Mélie, non ?)
Elle est partie un an après moi (si on parle bien de la même personne) et du coup, on m’a donné le lien de son blog. mais je n’ai jamais rien fait d’autres que de la lire les yeux écarquillés !